Ligue 1 : FC Nantes 1994-1995 : Olivier Cailler : « Le match qui me reste en mémoire, c'est le retour contre Paris »
A l’occasion des 30 ans du 7e titre historique des Jaune et Vert, JNS revient pendant 3 mois sur la saison 1994-1995 du FC Nantes. Olivier Cailler, journaliste sportif qui a vécu la grande époque, co-auteur du documentaire « Le record inégalé », partage ses souvenirs. Dans ce deuxième opus, il revient sur le record historique des 32 matchs d’invincibilité (record qui tient toujours...) et les matchs marquants de la saison.

Pourquoi cette saison 94-95 est unique dans l'histoire du football français, selon toi ?
Elle est unique parce qu’il y a un re- cord de 32 matchs consécutifs sans défaite lors d'une même saison. Un record qui risque de tomber d'ailleurs cette année (ndlr : le PSG toujours in- vaincu après 28 journées). Il n’y a qu’une défaite (ndlr : à la 33e journée contre Strasbourg). Ce qui montre la qualité de la performance, c’est qu’il n’y a qu’une seule équipe qui a réussi à faire ça depuis : ce sont les Invincibles d’Arsenal en 2004 avec Arsène Wenger. C’est la seule équipe, même à l’étranger, qui a fait mieux que la saison 1994-1995 de Nantes.
Paris peut battre le record cette année...
Oui, parce qu’il n’y a plus de stars ! Tant qu’il y en avait, je me disais « ils perdront à un moment ou un autre » parce que les joueurs veulent qu’on joue pour eux. On l’a vu d’ailleurs, c’est pourquoi ce record est si difficile à faire tomber. Cette année, il y a vrai- ment une équipe homogène, qui joue bien. Je vois mal qui pourrait les battre cette année.
Ce pourrait être Nantes. Les Parisiens se déplacent à la Beaujoire à la 29e journée. S’ils ne perdent pas en Ligue 1 d'ici là, ils auront 29 matchs sans défaites d’affilée, à 3 matchs du record, est-ce que tu penses que ça peut avoir une importance dans l'esprit des joueurs ?
Pourquoi pas. Ce serait bien. Je pense que ça a de l’importance pour les joueurs de l'époque. Si le record tombait, ce serait la fin de quelque chose. Ce serait marrant l'année des 30 ans. Je trouve que cette équipe parisienne est la plus cohérente. Celle qui pourrait, à mon avis, faire tomber ce record-là. Je n'espère pas mais pour en avoir dis- cuté avec des personnes qui connais- sent bien le foot, on pense la même chose.
En parlant du PSG, il y a eu plusieurs matchs qui ont été vraiment marquants cette saison 94-95. Le- quel l’a été le plus ?
Tous les joueurs disent qu’à la 2e jour- née, ils se déplacent à Auxerre et s’imposent 2-1. Une chose qu’ils n'arrivaient jamais à faire.
A l’époque, c’était les 2 gros centres de formation avec Sochaux. C’était Jean-Claude Suaudeau contre Guy Roux. Il y avait vraiment une rivalité. Tous les prota- gonistes de l'histoire racontent qu’ils ont senti qu'il y avait un truc qui pou- vait se passer. Ils vont gagner à Auxerre après avoir été menés 1-0 pour l’emporter finalement 2-1. A partir de ce moment-là, ils ne perdent plus. Ils font un nul à la première jour- née contre Lyon 1-1, la victoire à Auxerre puis ils enchaînent.
Ce match-là est très important pour eux. Mais celui qui me reste en mé- moire, c'est le match retour à Paris. Ils écrasent les Parisiens. Certes, ils sont à 10 mais c’est au Parc des princes et c'est le tenant du titre. Dans l’effectif, il y a des Weah, Ginola, c'est la grosse équipe de Paris et Nantes les bat 3-0. Daniel Bravo se fait expulser assez rapidement dans la partie mais il faut reconnaître que les Canaris récitent leurs gammes et mettent 3 buts.
Le match aller aussi, pour le fameux but Loko – Pedros à la 5e journée. Pour la beauté du geste, et la victoire contre Paris, que Nantes bat 2 fois
D'un autre côté, il y a eu des matchs marquants, mais plus pour la folie de la saison, comme le match aller face à Leverkusen avec l'histoire au niveau des gardiens, est-ce que tu peux plonger dans tes souvenirs ?
Le gardien à l’origine, c'est David Mar- raud. Il est capitaine mais il se fait sor- tir au bout de 5 matchs parce qu’il fait des toiles. Dominique Casagrande le remplace. Il se fait écraser et casser la main par George Weah au match re- tour contre le PSG. Le FC Nantes pro- meut en numéro 1 Éric Loussouarn, le 3e gardien, qui va se blesser à son tour. C’est donc Jean-Louis Garcia qui occupe les cages pour le match contre Leverkusen. A ce moment, il est en reconversion, entraîneur des gardiens. Dans ce match, Karembeu se fait expulser, ils perdent 5-1...
Cette année-là, c’était le champion- nat. L’année suivante, c’était la Coupe d’Europe où ils vont jusqu’en demi-fi- nale de Ligue des Champions et per- dent contre la Juventus, le futur vainqueur. Même en Coupe de France, Nantes se fait sortir par Saint- Lo. En 1994-1995, c’était vraiment la magie du championnat. Les joueurs étaient conditionnés pour faire un truc de fou. Beaucoup arrivaient à maturité aussi.
En 1990, Nantes dépose le bilan, est rétrogradé financièrement en D2. Guy Scherrer, ancien dirigeant de la Biscuiterie Nantaise (BN) réinjecte de l’argent et relance la machine. Sans argent, le club fait avec les jeunes, des joueurs du centre de formation qui jouent ensemble depuis 5-6 ans. Ils se trouvent les yeux fermés. En mettant 2-3 joueurs en plus, ça marche et ça donne cette saison-là qui est entrée dans l’histoire du foot français.
Recueilli par Thibault Marchand