Ali Rebouh : « En une année, j'ai vécu ce que certains vivent en deux mandats »

Comme chaque année, Ali Rebouh, adjoint aux sports et vice-président de Nantes Métropole, est venu faire le point sur la saison sportive des clubs nantais pour le Journal Nantes Sport. Entre l’organisation des JO, les trophées en Coupe de France et les difficultés financières qui s’en sont suivies pour certains clubs nantais, l’adjoint de Johanna Rolland a vécu une année 2024 extrêmement dense. Retour sur une année pas comme les autres.

Jan 21, 2025 - 14:05
Jan 15, 2025 - 15:57
Ali Rebouh : « En une année, j'ai vécu ce que certains vivent en deux mandats »
@Garance Wester

Plus que jamais, l’année 2024 a été celle de toutes les émotions. Une année contrastée aussi…

2024 ça a été une année extrêmement riche et un peu particulière. Très intense. C’est beaucoup d'émotions, beaucoup de surprises, beaucoup de désillusions aussi. Évidemment, il y a eu les Jeux Olympiques organisés pour la première fois à Nantes et les finales de Coupe de France pour les clubs de haut niveau (Neptunes Volley, NRMV et HBCN). On a eu quelques sujets plus complexes à gérer, entre les questions financières liées à l'activité du volley masculin et le retrait de Réalités qui s'est fait avec une brutalité extrême.

L'événement majeur de cette année 2024, c'était évidemment les Jeux Olympiques. Pour la première fois de l’histoire dans la Cité des Ducs !

On est fiers d'avoir contribué à cette grande fête internationale du sport. On a été au rendez-vous et on a contribué à cette réussite nationale. Malgré tous les discours négatifs qu'il a pu y avoir en amont des Jeux, ça a été une trêve enchantée dans un contexte social, politique qui était un peu morose. Et ça restera dans l'histoire, dans 20, dans 30, 40 ans, on saura qu'à Nantes, on a accueilli les Jeux en 2024 avec un niveau d’exigence extrêmement élevé. D'avoir enchaîné en 12 mois la Coupe du monde de rugby et les Jeux à Nantes, c’est exceptionnel. Je ne crois pas qu'on verra un tel enchaînement avant des décennies.

Avez-vous les chiffres des retombées économiques de cette coupe du Monde de rugby 2023 ?

Les retombées économiques au niveau local sur le rugby sont plus importantes que pour les Jeux. L’impact est beaucoup plus fort pour deux raisons. D'abord, on avait des matchs qui étaient en septembre, de belles affiches, avec l'Irlande, les Pays de Galles, l’Argentine… L’ambiance était magique. L’autre raison, c'est que ces supporters venaient avec des moyens économiques supérieurs et restaient plusieurs jours dans la métropole. 

Vous diriez que c'est l'année la plus intense depuis que vous occupez ce poste d’adjoint aux sports ?

C'est vrai qu'en une année, on a eu tout ce que le sport est capable de nous apporter en termes d'émotion, de victoires, et de moments de fraternité. Malheureusement, certains ont été rattrapés par la réalité économique et les fragilités du sport professionnel. On essaie d'anticiper les choses en amont avec des temps de rencontres avec les clubs. Nous sommes extrêmement attentifs sur leur situation financière, au-delà de la performance sportive.

Tout cela, à condition que les clubs jouent le jeu avec nous. On veut avoir un discours de vérité avec eux, qu'on ne se retrouve pas à être les pompiers de service. Ce n'est pas notre vocation. La ville de Nantes est présente au quotidien pour ces clubs, à la fois par la mise à disposition d'équipements sportifs et par une aide financière. Nous sommes en droit d'être un peu plus exigeants en termes de transparence concernant le fonctionnement des clubs. 

Vous avez eu cette impression d’être les pompiers de service ?

Nous avons fait le choix de préserver le sport, parce qu'on croit en ses valeurs. On ne peut pas s’enthousiasmer pour les JO en disant que le sport, c'est formidable et au moment où c'est difficile, de commencer à faire des coupes budgétaires. Maintenant, certains ont pensé à tort qu’un petit dérapage allait être comblé par la puissance publique. La situation financière des collectivités ne le permet pas.

On le voit bien avec les retraits du Département et de la Région. Nous n’avons pas vocation, et ça je le dis haut et fort, à assumer des erreurs de gestion de certains clubs. Il faut que les clubs soient responsables. Le haut niveau, ce n’est pas seulement la performance sportive. C'est aussi d'avoir une vision à long terme, et surtout de pérenniser un modèle économique qui doit être le plus vertueux possible et donc de moins en moins dépendant des financements des collectivités. On ne va pas s'amuser à compenser toutes les dérives financières des uns et des autres.

C'est pour ça aussi qu'il y a eu une différence de traitement entre les Neptunes et le NRMV ?

Il y a eu une différence assumée de traitement. On ne peut pas mettre au même niveau le retrait d'un partenaire majeur (Réalités, ndlr) qui annonçait pourtant 15 jours avant son départ qu'il restait là pendant encore un an et qu'il assumerait ses responsabilités, et un club qui, depuis deux ans, a cumulé les déficits, sans toutefois nous donner tous les éléments.

Avec, Monique Bernard (ndlr : qui a repris les rênes des Neptunes Volley), en plus de dix ans, il n'y a jamais eu de problème de trésorerie. C'est un club qui est carré, structuré, qui ne dépense pas plus qu'il n’a. Ils se sont retrouvés en face d'un retrait brutal, lâchés comme ça, en pleine nature. Ce n’était pas concevable de ne pas répondre à leur appel. Les trois collectivités à l'époque étaient sur la même position. Nous n’avons pas la capacité, c'est ce que je dis aux différents clubs, de compenser les pertes et les déficits. 

Justement, la question du déficit des Corsaires va se poser d’ici la fin de saison…

Je les ai reçus en décembre. Ils connaissent la feuille de route, ils ont un objectif et ont déjà fait quelques efforts, même s’ils n'ont pas été suffisants pour revenir à l’équilibre. Il faut qu'ils maintiennent cette trajectoire, au moins pour montrer à leur ligue qu'ils sont sur la bonne trajectoire. Ils auront des perspectives positives à compter de la saison prochaine, avec une tribune qui leur permettra, c'est ce qu'ils nous disent, d'aller chercher un peu plus de partenaires privés. Pour eux, c'est une année de transition, mais au moins les efforts et la prise de conscience sont là. À charge pour eux maintenant de convaincre et d'atteindre ces objectifs-là.

La ville de Nantes ne comblera pas le déficit des Corsaires…

Non, ce n'est pas raisonnable pour tout le monde, pour eux, pour nous, mais par contre, on va les accompagner comme on l'a toujours fait. À eux maintenant d'être responsables et de faire les efforts nécessaires pour essayer d'avoir une gestion qui soit la plus en phase avec leurs moyens.

Le NHF (ex Neptunes Handball) qui s'en sort plutôt bien d'un point de vue sportif, doit lui aussi faire des efforts…

Au même titre que les Neptunes Volley, on a essayé d'accompagner ce club un peu plus sur cette année. Ils partaient d'une situation financière bien plus compliquée et dégradée que le volley. D’où la rétrogradation. Leur objectif est de remonter dès cette saison. Il faudra en gagner le droit sur le terrain mais aussi avoir aussi une structuration qui leur permet de l'envisager. Ils ne seront pas dans les mêmes budgets que Réalités à l’époque. Je recevrai prochainement Pascal Gentil, qui se démène depuis quelques mois pour son club, pour évoquer tous ces sujets. 

À l’opposé de ces situations, on trouve le HBCN, sorte rayon de soleil du sport nantais…

Ils sont toujours au rendez-vous, c'est structuré, il n'y a pas de mauvaise surprise. Ils jouent à guichets fermés à chaque match. Pour nous, c'est une opportunité d'avoir un club comme ça sur le territoire. Quand on voit l'enchaînement Magdebourg, Paris Saint-Germain ces dernières semaines, c’est quand même costaud. Tous les voyants sont au vert pour eux parce qu'ils ont un savoir-faire qu'il faut leur reconnaître. Ça reste une belle vitrine sur la métropole en sport de salle.

L’engouement autour du FC Nantes reste incomparable…

Plus qu'un engouement, je dirais un attachement autour de ce club malgré des résultats qui sont vraiment très médiocres. C'est un peu le paradoxe de ce club-là, il n'y a plus 30.000 spectateurs au stade. C'est incroyable. Même quand les résultats ne sont pas au rendez-vous, il y a un engouement qui reste unique à Nantes. Parce que c'est le football, d'abord. C'est le sport le plus populaire. Et parce que c'est le FC Nantes, l'histoire et le palmarès qui vont avec. C'est même presque plus frustrant. Qu’est-ce que ça serait avec des résultats positifs… !

La question des salles est centrale pour les clubs de la métropole. Beaucoup espèrent un changement ou une rénovation…

Chacun voudrait avoir son Arena dédiée. La réalité, c'est que ce n’est pas possible. Nous n’avons pas la capacité de construire deux ou trois nouveaux équipements. Il faut avoir aussi des équipements qui soient à la hauteur de l’exploitation. Il faut que chaque club prenne conscience de sa chance dans une métropole où cohabitent un grand nombre de clubs de haut niveau avec un maillage d’équipements sportifs très dense. En plus, il faut que chacun mesure bien que les équipements, c’est un coût d'investissement et de fonctionnement qui est supporté à quasi 100% par la métropole.

Le Stade Nantais pourrait rapidement se trouver à l’étroit au Stade Pascal Laporte en cas de montée progressive jusqu’au niveau professionnel. 

On a un président, il faut le reconnaître, qui est engagé, passionné par ce qu'il fait, qui a mis des moyens pour le faire. C'est lui qui a pris en charge les travaux de la tribune, les travaux du terrain. Donc il faut lui reconnaître son ambition. Ça change par rapport à ce qu'on a pu connaître avant. Il va falloir, s'ils veulent un jour un stade plus grand, qu'ils changent de terrain. Il y aura encore des évolutions possibles dans un cadre qui est extrêmement contraint. Ils pourront en effet éventuellement rajouter une tribune.

C'est vrai que si on se projette, et eux savent se projeter, ils ne l'ont jamais caché, c'est d'atteindre le niveau professionnel en pro D2. Il est clair qu'aujourd'hui, les conditions ne seraient pas réunies pour pouvoir le faire. Ils travaillent sur des améliorations, mais après, il faut prendre le temps. On essaie de les accompagner du mieux possible, sachant qu'on est sur un site qui ne permettra pas d'avoir un stade à 10.000 ou 15.000, ça c'est une réalité.

Le Nantes Métropole Futsal espère bénéficier d’une salle dédiée dans les années à venir…

Aujourd'hui, on fait avec ce qu'on a. On verra en fonction de l'évolution des clubs. Mais il faut être patient. Ce n'est pas parce qu'on demande que l'on aura... Comme je l'ai dit, si j'écoutais tout le monde, il faudrait que chacun ait sa propre arène. Aujourd'hui, ils ont en majorité la salle 500. Ils auront sans doute un match décentralisé sur Mangin Beaulieu. De toute façon, dès qu'on aura une opportunité, on le fera.

Le HC Nantes (Hockey sur gazon) répond aux exigences de structuration, de partenariats. Il font office de parent pauvre en termes d’enceinte dans l’élite de leur sport…

On les a rencontrés avant les vacances. L'objectif, c'est à très court terme de pouvoir refaire le terrain de la Colinière. C’est acté. On fera des études en 2025 pour livrer, on l’espère, un terrain en 2026. Chaque discipline vient défendre son projet. On a des sujets piscines, on a des sujets pistes d'athlétisme, on a des sujets d'équipements sportifs, on a un patrimoine à entretenir.

Malheureusement, on n'a pas des budgets extensibles pour pouvoir faire tout d'un coup. Donc, on est obligé de faire des choix et surtout de faire en sorte que les clubs soient patients, attendent leur tour. Sachant qu'on est dans une ville où on n'est pas malheureux. On a quand même cette spécificité qui est assez unique en France, et je l'avais dit l’année dernière, c'est qu'on a une densité de clubs de haut niveau assez conséquente.

 

Recueilli par Matthieu Bellée