Antoine Sibierski : « J'aurais eu des regrets si je n'avais pas joué pour le FC Nantes... »

Rendez-vous était donné à 9h à Altrincham à quelques kilomètres au sud-ouest de Manchester. Casquette « british », pardessus Mackintosh, Antoine Sibierski ne dénote pas dans le paysage de briques rouges typique du nord-ouest de l’Angleterre. Seul un léger accent pourrait trahir le Français. Bientôt vingt ans que l’ancien Nantais vit avec sa famille dans la banlieue de Manchester. Une vie britannique marquée aussi par le décès tragique de sa fille et la lente reconstruction qui s’en est suivie. Aujourd’hui, Antoine Sibierski est prêt à reprendre du service sur le rectangle vert, là où il s’est toujours épanoui. Après une première expérience de directeur sportif à Lens en 2012 et un diplôme lui permettant d’entraîner en Championship (D2 anglaise) obtenu en avril 2021, « Super Sib » a la volonté de revenir en France pour « partager et transmettre » sa passion du ballon rond. Alors que le FC Nantes s’apprête à jouer la finale de la Coupe de France, le dernier double buteur du FC Nantes dans une finale de la « vieille dame » revient pour nous en exclusivité sur ses années nantaises.

Feb 14, 2023 - 16:14
Feb 20, 2023 - 16:08
Antoine Sibierski : « J'aurais eu des regrets si je n'avais pas joué pour le FC Nantes... »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MATTHIEU BELLÉE, ENVOYÉ SPÉCIAL À MANCHESTER 

Antoine, tu te fais assez discret dans les médias. Qu’est ce qui explique ce relatif silence ?

C’était une volonté ! Ma famille a vécu une tragédie avec le décès de ma fille aînée, Sibylle. C’est arrivé juste après la fin de ma carrière. J’avais la tête sous l’eau. Tu ne peux plus rien faire dans le football ou ailleurs. Je n’avais plus envie de faire quoi que ce soit. C’est une très grande douleur. J’ai pu faire le deuil pour ma mère en janvier 2000 à Nantes mais je ne crois pas qu’on puisse faire le deuil de la perte d’un enfant. Plus tard, j’ai réalisé qu’il fallait que je relève la tête pour mes deux autres enfants et pour mon épouse. 

Le grand public est resté sur ce poste de directeur sportif au RC Lens en 2012. Qu'as-tu fait depuis cette expérience dans le Pas-de-Calais ?

Je ne voyais ma famille qu’un week-end par mois. Tout le monde était toujours très affecté. J’ai réalisé que ma présence à la maison était indispensable. J’ai eu des possibilités de rendez-vous avec deux clubs français après cette expérience mais j’ai refusé les entrevues, par respect. Malgré cela, je voulais rester dans l’industrie du football. J’ai écarté les métiers de consultant, entraîneur, recruteur et directeur sportif, trop chronophages. Il me restait l’option de devenir agent sportif. J’ai travaillé à mon compte pendant quatre ans (juin 2015 - septembre 2019) sans m’épanouir vrai- ment dans cette activité-là. Après, quand tu travailles avec Monchi à Séville ou Marina à Chelsea et qu’ils te font confiance, c’est extrêmement enrichissant. J’ai pu passer du temps avec eux et voir comment ils fonctionnent. Ça me construit encore par rapport à ma vision du football.

« DEPUIS SEPTEMBRE 2019, À PARTIR DU MOMENT OÙ J’AI DÉCIDÉ DE REVENIR SUR LE TERRAIN, JE M'INVESTIS À 100%. »

Aujourd’hui on ressent cette envie de retrouver les terrains...

Cette activité d’agent ne me correspondait pas. Je les respecte... enfin ceux qui sont corrects et honnêtes (sourire). Je me suis dit, en toute humilité, “tu vaux mieux que ça“. Je me dois d’être sur un terrain. J’ai eu une discussion avec mon épouse avec qui je partage tout. On a convenu qu’il était temps de remettre le pied à l’étrier. J’ai relancé ma licence d'entraîneur que j’avais commencée au Royaume-Uni en 2011. J’ai obtenu mon diplôme me permettant d'entraîner en Championship en 2021. Aujourd'hui j'ai la volonté de revenir travailler en France. En parallèle j’ai lancé mon projet « MyFootbol » (myfootbol.com). C’est une société qui représente ma vision du football. Qu’il s’agisse de séances d'entraînements, de stages de développement et de perfectionnement ou encore de journées de détection organisées grâce à mon réseau international. Depuis septembre 2019, à partir du moment où j’ai décidé de revenir sur le terrain, je m'investis à 100%. Je regarde jusqu’à 5 matches par jour, de tous les niveaux. Je décortique les systèmes de jeu, j’analyse le plan de jeu mis en place par les entraîneurs. J'aime et j’ai ce besoin d’identifier ce que les entraîneurs planifient offensivement et défensivement et comment ils s’organisent pour cela. Je passe aussi des semaines dans des clubs pros. D’ailleurs, je passe sept jours à l’Ajax Amsterdam, avec Erik ten Hag, fin avril.

 « LE STADE DE LA BEAUJOIRE EST REMPLI DE MERVEILLEUX SOUVENIRS POUR MOI. »  

Tu arrives à suivre l’actualité des Jaune et Vert ? Pour la première fois depuis 22 ans, les Nantais tenteront d’aller chercher la Coupe de France au Stade de France...

J’ai vu la belle victoire face au PSG (3-1) et la défaite à domicile face à Lille (1-0). J’étais content de voir le peuple nantais heureux face à Monaco. C’est marrant ce petit clin d'œil du destin. Nous aussi en 2000 nous avions battu Monaco en demie, mais au Stade Louis II. Nous avions gagné 1-0. On vieillit et les générations de supporters changent. D’ailleurs la Tribune Loire, qui était moins remplie à mon époque, même s’il y avait du monde, est vraiment impressionnante. On a presque l’impression de se retrouver à Dortmund. Ce stade est rempli de merveilleux souvenirs pour moi. Je trouve ça beau. On sent une communion entre les joueurs et les supporters. C’était un envahissement bon enfant pour communier et partager un moment, sans agressivité. On a juste envie d’être à la place des joueurs dans ces moments-là. C’est mérité. J’espère sincèrement que Nantes va gagner.

Quel souvenir gardes-tu de la finale face à Calais (victoire 2-1) ?

On affrontait une équipe de Calais qui venait de faire un parcours extraordinaire. Je pense qu’on gagne le match parce qu’on les respecte, même si à la mi-temps, en étant menés 1-0, j’ai vu des coéquipiers avec la tête basse. Je n’ai jamais eu l’habitude de prendre la parole parce que j’ai toujours voulu montrer l’exemple par des faits et par mon jeu. Mais ce jour-là, j’ai eu besoin d’intervenir. J’ai pris la parole une minute pour leur dire que même s’il fallait respecter Calais ce n’était pas possible que l’on perde ce match et la Coupe de France, vu la qualité des joueurs et la qualité du jeu. Ce n’était pas le moment d’être abattu.

 À l’époque les médias et Ladislas Lozano, l’entraineur calaisien, avaient fait de ce match un affrontement entre les « gentils » amateurs et le monde professionnel obnubilé par l’argent... 

Franchement ça me passait au-dessus. Je comprenais mais il ne fallait surtout pas aller sur ce terrain-là. C’est ce qu’ils voulaient. L’important pour nous était de rester focus sur notre finale. Calais ou pas Calais. Ce qu’on a très bien fait d’ailleurs.

Tu marques un doublé ce soir-là. Qu’est-ce que ça fait de marquer 2 buts en finale de Coupe de France et d’offrir le titre à son équipe ?

Déjà quand tu fais une finale de Coupe de France, c’est une fierté. D’autant plus avec le maillot du FC Nantes sur le dos. Je me rappelle encore, étant gamin, la finale de Coupe 1983 avec ce but de José Touré. Jouer au Stade de France devant 80000 spectateurs et plus de 11 millions de téléspectateurs, c’est un souvenir extraordinaire... D’autant plus que j’étais blessé lors de la finale précédente. Certains ne me l’ont pas accordée mais j’avais joué les matches précédents. Si on s’en tient à ce raisonnement, Laurent Blanc n’a pas gagné la Coupe du Monde 1998 (rires).

C’est toi qui prends le ballon pour tirer ce penalty du 2-1. Il faut du courage à ce moment-là.Oui mais je suis décidé ! Je tirais les penalties depuis le début de la saison donc c’était une forme de logique. Je tire en force au milieu. Le gardien la touche mais mon degré de conviction est tellement élevé que ça ne peut que rentrer. Même si sur un plan technique il est plus agréable de voir un ballon placé mais mon expérience me dit à ce moment-là qu'il faut assurer. Ce n’est pas comme en championnat. L’enjeu, l’émotion, le jeu entre le gardien et le tireur, ne sont pas les mêmes. Je me suis dit tout simplement de ne pas prendre de risque et de ne pas essayer de marquer un beau penalty. Mon objectif était de marquer le but. 

Il te reste des souvenirs de fête après la victoire ?
C’est une communion avec les coéquipiers et le staff. Je ne me suis pas trop senti concerné par la fête à la mairie de Nantes à cause de l’omniprésence du maire de l’époque dans la cérémonie. Il pouvait être là bien sûr mais l’important ce sont les joueurs, les salariés du club, les sup- porters et le staff. Je pourrais tous les citer tant les souvenirs sont grands. C’était paradoxal parce qu’on était toujours à la lutte pour le maintien en championnat. On a quand même pris un
peu de temps pour nous. Gagner deux Coupes de France consécutivement ce n’est pas donné à tout le monde. C’était un bel exploit.

Denoueix parlait d’un sentiment mitigé alors qu’il restait le match du maintien face au Havre à jouer quelques jours plus tard...

Lui était entraîneur. Aujourd’hui, j’arrive à me mettre à sa place. Nous, jeunes joueurs, on a profité́ du moment même si on avait tous ce match dans un coin de la tête. Raynald avait un plaisir intérieur et profond quand on gagnait un match. Sa fonction, l’homme et sa personnalité́ font qu’il ne pouvait pas s’empêcher de penser au match suivant. Je suis sûr que le lendemain de la finale il s’est mis des cassettes du Havre pour voir comment les battre. Il a une longue histoire avec ce club et personne ne peut douter de son attachement à Nantes. Cette saison-là̀ il se battait pour ne pas descendre avec son club et la suivante il était Champion de France avec presque le même groupe.

Raynald Denoueix c’est vraiment le coach qui a marqué ta carrière ?

J’ai tout de suite compris quand je suis arrivé à la Jonelière pour le rencontrer avant de signer à Nantes. Alors que j’étais en pourparlers très avancés avec un autre club j’ai dit à mon agent « Fais tout pour je signe à Nantes ». Sans être irrespectueux pour les autres entraîneurs, il n’y a qu’avec lui que je comprenais pourquoi on travaillait tel ou tel exercice à l'entraînement. Lui et Glenn Roeder à Newcastle (2006-2007). Avec les autres je m’entrainais pour m’entrainer. Il n’y avait pas cette recherche intellectuelle. Avec Raynald tout passe par le jeu. Il y avait bien sûr un gros travail physique mais il était toujours question de jeu. Les exercices que l’on faisait à l'entraînement avaient une incidence positive sur le match. J’ai commencé́ ma carrière milieu offensif mais le premier qui a compris à quel poste je devais jouer c’est Raynald ! En 9 et demi et je me suis régalé. Au cœur du jeu mais assez près du but pour être décisif. J’étais animé par le but. Raynald était quelqu’un d’extraordinaire humainement aussi. Lors de certains décrassages, je me souviens qu’il pouvait y avoir Mickaël Landreau, moi, Éric Carrière, Nestor Fabbri, et il nous impliquait en nous demandant notre avis sur les matches, les entraînements... C’est une forme d’intelligence et de lucidité́. Ça ne veut pas dire qu’il se laissait influencer mais il pouvait prendre des idées et des ressentis pour construire sur le moyen et le long terme. Il était précurseur dans son management. Un entraîneur se doit de s’ouvrir et d’avoir cette humilité de vouloir toujours apprendre. Raynald il avait déjà ça au fond de lui dès les équipes de jeunes. 

« J’AVAIS ÉTÉ SURPRIS POUR NE PAS DIRE PLUS QUE LE PRÉ- SIDENT DE L’ÉPOQUE, KLEBER BOBIN, ME PROPOSE UN CONTRAT DE 3 ANS PUIS UNE RECONVERSION AU CLUB (RIRES) J’AVAIS 25 ANS ! » 

Trois matches résument ton passage chez les Canaris : bien sûr la finale de Coupe de France face à Calais mais aussi le match à domicile face à Lyon (6-1) et le match retour face à Arsenal en 1999 (3-3)...

Le match de Lyon à domicile était un match très difficile psychologiquement et émotionnellement pour moi. Je venais de perdre ma maman 15 jours plus tôt. À mon retour des funérailles, Raynald me prend dans son bureau pour me demander ce que je veux faire. J’avais besoin de jouer. Égoïstement, ce match était pour moi, pour ma maman. Tout en respectant le collectif. Ça s’est vu d’ailleurs sur le deuxième but que je marque ce soir-là. Une action construite, en mouvement, en une touche de balle. J’avais préparé une inscription sur mon t-shirt pour rendre hommage à ma maman. Le match face à Arsenal c’est pareil, un doublé. Un coup-franc lointain et une frappe en lucarne. On avait perdu 3-0 à l’aller, il fallait jouer le match sans pression et se faire plaisir dans un stade comble, indépendamment de la qualification. On a joué libérés et dans ces moments-là c'était extraordinaire. Mis à part Newcastle, je n’ai connu ces moments-là qu'à Nantes. Même sans être impliqué dans un but, quel régal de voir mes coéquipiers jouer comme ils le font. 

Tu as marqué 23 buts cette saison- là (13 en D1 - 6 en Coupe de France - 4 en coupe de l’UEFA). Aucun Canari n’a fait mieux dans chacune de ces compétitions depuis... Qu’est que ça t'inspire ?

Je ne le savais pas. Je n’ai jamais banalisé un but. J’ai toujours rêvé de ça étant gamin. Cette sensation était décuplée au FCN parce que le jeu déployé me procurait plus de plaisir et m’aidait à marquer plus de buts. C’est la seule saison où j’ai marqué 23 buts (99-00). J’avais des coéquipiers autour de moi qui m’ont permis d’inscrire tous ces buts. Si je n’en ai pas mis autant ailleurs c’est que la qualité des joueurs et du jeu mais aussi l’état d’esprit du groupe n’étaient pas les mêmes. Attention, j’ai connu des joueurs talentueux dans tous les clubs, mais le jeu déployé n’était pas le même.

Pas trop compliqué de s’intégrer au FC Nantes de l’époque quand on vient de l’extérieur ? Vous n’étiez pas nombreux à venir d’un autre club en 2000 (Fabbri, Bustos et Caveglia)

L’apprentissage des mouvements est plus complexe pour un attaquant que pour un défenseur. Je me suis très bien fondu dans l’esprit du club, dans le collectif de l’époque. Robert Budzinski ne s’est pas trompé quand il a voulu me recruter déjà en 1996 quand je quittais Lille. Sur le plan sportif j’étais dans le style d’un Japhet N’Doram ou d’un Jocelyn Gourvennec. Des joueurs qui ne vont pas forcément vite mais qui anticipent, qui voient le jeu avant les autres et techniquement très bon. C’était à moi de me fondre dans le groupe et pas l’inverse. Quand on est un minimum intelligent, on s’adapte. J’ai toujours eu la conviction que mes coéquipiers étaient des gens sincères. Dieu sait que j’ai pratiqué et connu des groupes professionnels. La confiance, la sincérité, l’investissement et l’intégrité ne sont pas souvent de mise. Avec ma période à Newcastle, c’est la seule fois où je me suis senti en confiance. Même en dehors du terrain, les gars étaient vachement présents. Étant issu d’un milieu ouvrier, avec l’éducation que j’ai reçue, mes valeurs correspondaient à cet esprit nantais.

Tu côtoies toujours des joueurs de cette époque dorée ?

Malheureusement on s’est un peu perdu de vue. J’aimerais ! On était vraiment une bande de potes. J’adorais aller tous les jours à l'entraînement et jouer avec eux. J’étais désolé que la fête des 20 ans de notre victoire en Coupe de France ait été annulée à cause de la pandémie. C’est Micka (Landreau) qui s’occupait de tout ça. J’espère que je les reverrai bientôt. C’est un moment que je savourerai parce que ce sont des gens que j’ai vraiment appréciés. Si regret il y avait eu dans ma carrière, c'eût été de ne jamais jouer pour le FC Nantes.  

Pour info, tu es dans l’équipe type de Sébastien Piocelle (sofoot.com) avec Nicolas Anelka en attaque. Il dit de toi : « Il avait la classe. C'était un milieu offensif avec une grosse technique, qui prenait les coups, mais ne se plaignait jamais »

Ça c’est pareil, ça fait partie de mon éducation. Ça m’est arrivé de tomber sur une maladresse technique mais il fallait qu’il y ait un petit contact quand même (sourire). Ça m’arrivait d’exagérer une faute pour essayer de récupérer le coup-franc pour l’équipe. J’ai essayé ça une fois avec Manchester City mais je me suis fait insulter par tout le monde et même mes propres coéquipiers (rires). Alors qu’il y avait eu contact ! Je n’ai jamais été tricheur. J’ai toujours compris que certains joueurs étaient là pour engager un combat physique et athlétique. Il fallait simplement répondre au défi physique mais sans rentrer dans une guerre des coups. Après, être avec Nico c’est flatteur. Je le considère comme le meilleur joueur avec qui j’ai pu jouer.

Nantes reste un endroit particulier pour toi ?

Mes deux derniers enfants y sont nés alors que l’on n’habitait plus la ville. À Lens pour notre seconde fille et à Manchester pour le petit dernier. C’est dire l’attachement que l’on a pour cette ville, mon épouse et moi. On y est retournés en 2017 pour montrer la ville et la région à nos enfants. 

Malgré ce titre de 2000 tu choisis de partir du club et de rejoindre Lens... Qu’est-ce qui a motivé ton départ ?

C’est l’addition de plusieurs choses. La première chose c’est le décès de ma maman 6 mois plus tôt qui repose dans le Nord, chez moi. À ce moment-là, je n’ai toujours pas fait mon deuil. J’avais besoin de revenir dans la région pour être auprès des miens. J’ai ce ressenti-là. La deuxième chose c’est que le FC Nantes est en train de se faire racheter par la Socpresse. On ne sait pas du tout quand ça va se faire. Le club sait que j’ai une clause libératoire à 21 millions de francs (3 millions d’euros). Un montant dérisoire par rapport à la saison que je viens de réaliser. J’avais discuté d’une prolongation de contrat, 3 mois avant la fin de saison, avec Kléber Bobin qui venait de prendre la présidence. J’avais été surpris, pour ne pas dire plus, que le président me propose un contrat de 3 ans puis une reconversion au club (rires). J’avais 25 ans ! Je me suis dit “il ne maîtrise pas son dossier“. C’était quelqu’un de très bien mais je n’avais pas 32 ans ! Après cette discussion je n’ai plus eu de nouvelles jusqu’à la fin de la saison. Ni sur la vente du club et ni sur ma prolongation. J’ai trouvé que c’était un manque de considération. Personne n’est irremplaçable mais j’attendais plus. Je discutais avec plusieurs clubs (Fiorentina, Bordeaux, Lens) qui étaient forcément intéressés par ma clause libératoire à un montant aussi bas. La troisième chose, c’est le contrat que me proposait le RC Lens. Je devenais l’un des trois joueurs les mieux payés du championnat. Sincèrement, j’aurais pu le refuser si j’avais senti plus de volonté de me garder sachant que le président Bobin faisait un bel effort pour le FC Nantes de cette époque. C’était au mois de mars puis plus rien... Mon épouse et moi nous nous plaisions énormément à Nantes mais toutes ces choses ont fait que j’ai fait le choix de partir. 

« MON REGRET AUJOURD’HUI, C’EST DE NE PAS AVOIR ENTENDU CE QUE RAYNALD M’AURAIT DIT À CE MOMENT-LÀ. » 

Tu n’éprouves pas de regret d’être parti un an avant le titre de 2001 ?

Est-ce que si j’étais resté, Nantes aurait été champion ? Je suis reconnaissant à Robert Budzinski de m’avoir permis un jour de signer à Nantes. Le reste, on ne sait pas... Je ne sais pas si on peut parler de regret mais là où je peux m’en vouloir c’est de ne pas avoir pris mon téléphone pour parler de mon départ avec Raynald Denoueix. Ça n’aurait peut-être pas changé mon choix d’aller à Lens mais au moins j’aurais échangé avec lui. 

Tu penses qu’il aurait aimé que tu lui dises ?

Je ne sais pas. Je n’en ai pas rediscuté avec lui. Avec le recul, c’est toujours facile, mais de part la relation humaine que j’avais avec Raynald, j’aurais dû lui en parler. Pas comme à mon entraîneur mais comme à quelqu’un en qui j’ai une grande confiance, à un confident.Dans toutes nos discussions, il a toujours su analyser les choses avec intégrité, intelligence, lucidité. J’ai appelé mon père pour qu’il me donne son ressenti mais j’aurais dû en faire de même avec lui. J’en avais parlé avec mon agent mais c’est un avis à tempérer puisque qui dit gros contrat dit grosse commission... Mon regret aujourd’hui c’est de ne pas avoir entendu ce que Raynald m’aurait dit à ce moment-là.

Matthieu BELLÉE Journaliste au Journal Nantes Sport