Pierre Aristouy : « Jamais de la vie, je n’aurais pensé être champion U19 en début de saison… »
Entraîneur des U19 champions de France, Pierre Aristouy a, lui aussi, connu une formidable saison sur le banc nantais. Avec ses jeunes pousses, il a participé à la belle année d’ensemble du FC Nantes. Formé comme joueur à la Jonelière, il transmet maintenant ses savoirs pour lier le développement individuel et les résultats collectifs.
Pierre, à l’instar des pros, les U19 ont aussi réussi une magnifique saison, qui vient valider la belle année d’ensemble du FC Nantes. Quel bilan en faites-vous de votre saison ?
C’était une année assez inattendue. Arriver au bout, ce n’était pas arrivé depuis 31 ans sur la catégorie U19. Sur le plan des résultats, c’est assez exceptionnel, il ne faut pas minimiser ce qui a été fait. C’était formidable, notamment lors des phases finales. Tout a été très bien fait et orchestré de la part de tous les acteurs de la formation. La promotion des deuxième année avec la réserve sur la deuxième partie de saison, l’éclosion des plus jeunes et enfin le rassemblement de tous, tout a été bien ! De plus, on a vraiment connu une progression, en début de saison, on n’était pas au-dessus, même si on sentait qu’on avait de bons joueurs. Et puis, ça s’est fini magnifiquement bien.
En début de saison, vous avez basculé avec les U19 après avoir connu l’équipe réserve. C’est votre première expérience avec les jeunes, qu’est-ce que ça change ?
Le football reste le football, mais dans le management, il y a forcément une adaptation à avoir. D’abord, bon nombre de ces garçons sont scolarisés, dans cette catégorie, ce qui veut dire que leurs journées ne sont pas consacrées qu’au foot. Il faut aussi faire preuve d’exigence certes, mais plus de patience qu’avec des joueurs un peu plus âgés. L’assimilation des messages que l’on passe va se faire, mais pas forcément immédiatement. Il faut donc rester tranquille et patient. Enfin, ce qui est intéressant avec les catégories jeunes, c’est de voir l’évolution. De partir d’un point A et de se rendre compte de l’évolution footballistique et humaine de ces garçons quand on arrive en fin de saison.
La progression d’ensemble, à la fois individuelle et collective, a donc été la principale satisfaction de la saison ?
Complètement, on est là pour faire progresser et avancer les joueurs. Il est évident qu’on ne peut pas aller chercher un titre de champion de France si chacun des joueurs n’avait pas avancé de son côté. Et forcément, ils deviennent aussi des joueurs d’équipe pour arriver à faire des résultats collectifs.
« Une équipe fanion qui gagne, c’est forcément contagieux pour tout le monde. »
Début juin, vous avez remporté ce titre de champion de France U19. Quels ont été les clés de la réussite pour aller jusqu’à ce trophée ?
La clé a été ce qui s’est passé sur les phases finales en quarts, demie et finale. C’est un état d’esprit et une volonté d’aller chercher ce titre. Les jeunes souhaitaient vraiment marquer de leur empreinte une catégorie Jeune. Juste devant eux, ils avaient eu la génération 2002 championne de France U17, et ces années 2003, 2004, ont été privées de compétitions pendant deux ans de Covid. Ils voulaient vraiment aller chercher cela.
Lors de ces phases finales, vous avez pu bénéficier du retour de certains joueurs de la génération 2003, qui ont évolué la plupart du temps en équipe réserve. Comment gère-t-on cela, notamment vis-à-vis de ceux qui ont joué une majorité de la saison ?
Déjà, il fallait garder le fil avec les 2003. On ne se perd pas de vue, je vais voir des entraînements, des matchs, on se croise. Lorsqu’ils sont montés, cela a permis à des plus jeunes de jouer. Mais logiquement, le sportif a dicté les choix pour les phases finales et cela était cohérent pour tout le monde. Les garçons qui sont revenus de la réserve sont des garçons qui ont eu une place importante avec la N2. Cela semblait logique aux yeux de tous, y compris de leurs concurrents plus jeunes, que lorsqu’ils reviendraient, ils joueraient.
Quelques semaines avant votre sacre, les pros avaient remporté la finale de la Coupe de France. La Coupe de France a-t-elle donné un élan et a-t-elle influencé votre groupe dans la quête du titre en U19 ?
C’est possible ! Une équipe fanion qui gagne, c’est forcément contagieux pour tout le monde. Sportivement ou même en dehors, cela relance la motivation de tous, égaye les journées, permet de travailler avec du positif et de la joie. Et pour les joueurs, cela donne un exemple. Dans les matchs à élimination directe, ce n’est pas toujours la meilleure équipe qui s’impose, ni celle qui a le plus le ballon. Il faut être efficace et compétiteur. Je l’ai beaucoup expliqué lors des phases finales. Il y a eu la saison régulière de 26 matchs où l’on a fini premier, durant laquelle il faut prendre l’initiative du jeu et le dessus sur l’adversaire. Et puis les matchs couperets, avec ma petite expérience, je sais que ce n’est pas forcément celle qui prend le plus d’initiatives qui remporte les matchs. Il faut être hermétiques, malins, efficaces et c’est ce que l’on a fait !
« On ne peut pas créer un collectif avec des personnes individualistes dans l’âme. »
La mentalité dans le coaching avait donc un peu changé pour ces phases finales…
Clairement ! Autant sur la phase régulière, je suis resté dans un esprit formateur, avec toujours l’envie de gagner les matchs le week-end, autant sur les rencontres de phases finales, je me suis mis en mode compétiteur pour gagner les matchs.
Justement, en tant qu’entraîneur d’une équipe jeune, comment lier la progression individuelle de chaque joueur avec l’attente des résultats collectifs ?
L’objectif prioritaire est l’évolution et la formation du joueur. Si en plus de cela, on peut créer des joueurs d’équipe, qui mettent leurs qualités au service du collectif, c’est mieux. Après, cela reste très générationnel, il faut que les joueurs s’entendent bien, vivent bien ensemble. Il faut de l’homogénéité dans le groupe, que l’état d’esprit soit tourné vers cela. On ne peut pas créer un bon collectif avec des joueurs qui, dans leur approche de vie, sont individualistes. Pour créer quelque chose de collectif, il faut des garçons qui pensent collectif. Cette année, c’était le cas avec la génération 2003, cela est vraiment générationnel.
Vous avez été formé ici à Nantes en tant que joueur, ce sont des choses apprises lors de votre formation et qu’aujourd’hui, vous essayez de transmettre à vos joueurs ?
Oui, tout ce que je viens de dire, c’est ce que j’ai appris. On ne peut pas créer un collectif avec des personnes individualistes dans l’âme. Je pense que de créer des collectifs et des belles équipes n’est pas incompatible avec la formation de l’individu. Les deux vont même bien ensemble. Je n’ai appris que ça durant ma formation ici. C’est tout naturellement et spontanément qu’aujourd’hui, je le transmets.
Un mot sur la fameuse Coupe Gambardella, vous avez été éliminé en 8e de finale. Cela reste une petite déception de la saison ?
Autant, on a bien géré la catégorie U19, autant la Gambardella n’a pas été très bien gérée. Cette compétition a le problème de regrouper des U19 première année et des U17 deuxième année, donc deux catégories qui ne sont pas amenées à s’entraîner ensemble. On les a peut-être rassemblés un peu tard. Ensuite, on a eu trois premiers tours assez aisés. On a pu rentrer dans cette compétition, mais sûrement sur un rythme qui n’était pas le bon. Et lors de notre élimination, on est tombé chez un costaud, à Troyes, sur leur terrain synthétique. Ce n’était pas évident, il avait une belle équipe avec de bons joueurs. On s’incline 3-2. On aurait pu faire mieux, mais je fonde plus d’espoirs pour l’année à venir en Gambardella.
« Le résultat du travail de tout le monde au sein de la cellule de formation et de l’académie, qui nous amène à partager ces moments. »
Aujourd’hui, on voit de plus en plus de jeunes joueurs accéder rapidement aux effectifs professionnels. Comment se passe cette relation avec le staff pro à Nantes pour suivre la progression de certains éléments ?
Lorsque j’étais avec la réserve, on était au quotidien en contact avec le staff pro, pour faire part de l’évolution et de la progression de certains joueurs, notamment les plus proches du groupe pro. Aujourd’hui, il faudrait donc poser la question à Stéphane Ziani [entraîneur de l’équipe réserve]. Pour les joueurs qui sortent de U19, hormis les talents précoces comme a pu l’être Quentin [Merlin] ou d’autres par le passé, il y a pour moi un passage nécessaire avec la réserve et faire quelques matchs en National 2 dans le football adulte. Après, si on arrive à être intéressant, performant et régulier et N2, on peut aspirer à aller voir plus haut.
Comment arrive-t-on à distinguer ces éléments plus précoces et susceptibles de rejoindre rapidement l’échelon supérieur ?
C’est global. Techniquement, mentalement, on le voit vite, car de catégorie en catégorie, c’est le joueur que l’éducateur ressort. Souvent, le joueur est au-dessus, il est performant, il est régulier, il ne se blesse pas, il ne relâche jamais le travail ni les efforts. En match, il fait les bons choix et quand il lui arrive de ne pas faire les bons, il corrige de suite.
À titre personnel, vous avez été champion de France de N3 puis, en N2 il y a quelques années, maintenant champion U19. Quelles sont les prochaines étapes et le secret de la patte Aristouy ?
Non, il n’y a pas de secret, je suis très fier et très heureux d’avoir obtenu ces résultats. Après, c’est le résultat du travail de tout le monde au sein de la cellule de formation et de l’académie qui nous amène à partager ces moments. Je suis très heureux d’y avoir goûté, la suite, on verra. La Gambardella peut être un objectif, notamment de faire mieux que l’année précédente. En revanche, se dire qu’on va la gagner, c’est difficile. Il y a plein d’autres très belles équipes en France et puis c’est aléatoire et cela dépend beaucoup du tirage. Les objectifs sont évolutifs. Le premier reste de faire évoluer les joueurs, et cela, rien ne nous empêchera de le faire. Après les résultats, on verra. Jamais de la vie, je n’aurais pensé être champion U19 en début de saison…
Paul Boiteau