Athlétisme - Rougui Sow : « Les Jeux Olympiques ? C’est l’objectif ultime ! »

Pensionnaire du Nantes Métropole Athlétisme depuis 3 saisons, Rougui Sow s’apprête à vivre les 6 mois les plus importants et excitants de sa carrière. Ces JO de Paris 2024 arrivent à point nommé, alors que la nantaise de 28 ans retrouve son meilleur niveau. Championne de France de saut en longueur en 2018 et 2023, il ne lui manque plus qu’une finale dans une grande compétition internationale. Et pourquoi pas plus, poussée par le public de Saint-Denis, le 8 août prochain ?

Mar 14, 2024 - 11:47
Mar 14, 2024 - 11:50
Athlétisme - Rougui Sow : « Les Jeux Olympiques ? C’est l’objectif ultime ! »
Rougui Sow lors de sa présentation au meeting de Bercy @KMSP

C’est un début de saison très satisfaisant pour toi. Tu viens de remporter le Meeting de Nantes, tu étais à 1cm du titre de championne de France… Quel est ton sentiment sur ce début de saison ?

C’est un début de saison extraordinaire. J’ai aussi fait 2ème au meeting de Bercy avec des finalistes mondiales… L’objectif c’était de pouvoir battre mon record en salle. Je l’ai fait au Meeting de Nantes (6,57m), à domicile, où en plus il y avait des points pour la qualification aux JO… Je sortais d’une blessure aux ischios. J’ai eu très peur de passer à côté des épreuves hivernales mais je me retrouve à faire le meilleur début de saison de ma vie. Je suis contente d’être régulière à plus de 6m50. 

Tu te disais étonnement en forme pour la saison en salle. Il n’y a pas le risque d’être prête trop tôt ou est-ce que ça montre que tu as progressé tout simplement ?

J’ai vraiment progressé. J’ai gagné en régularité. C’est aussi ma troisième saison avec mon coach, Fabrice Ploquin. Cette stabilité m’a permis de mieux me connaître et de savoir ce dont j’avais besoin. Le potentiel a toujours été là mais j’avais du mal à l’exprimer totalement. 

Tu t’es accordée une petite semaine de repos avant de reprendre pour la dernière ligne droite jusqu’aux JO…

C’est ça (rires). J’ai une saison hivernale très longue. Je me suis retrouvée à sauter tous les week-ends avec 6 compétitions en 5 semaines. Je me suis fait mal au genou à Stockholm. Je traîne un peu ça depuis. C’était important de souffler un peu. La saison va être très longue. Il va falloir être prête mentalement, physiquement et émotionnellement cet été.  

Même si tu n’as que 28 ans et que tu auras encore l’opportunité de Los Angeles en 2028, ces JO en France c’est une opportunité extraordinaire…

C’est un rêve. C’est l’objectif ultime. Il y a des étapes. L’idée c’est d’aller chercher une grosse performance dès les championnats d’Europe. Ça sera un peu la répétition avant les JO. 

Jusqu’à 3 athlètes françaises peuvent se qualifier. J’imagine que tu as le nom de tes « concurrentes » en tête…Tu suis un peu ce qu’elles font ?

On se connait toutes. On a souvent des concours ensemble. Il y a 3 places. Mon rêve c’est qu’on y aille à 3. Je n’ai pas envie d’y aller toute seule. L’objectif c’est de réussir ensemble. Ce sont des sacrifices énormes. Pour l’instant j’ai la meilleure performance française de la saison hivernale. 

Peux-tu nous parler de ton programme jusqu’aux JO ?

Je vais revenir m’entrainer 3 semaines en France après ma semaine de vacances. Je partirai aux États-Unis pendant 6 semaines pour un travail intensif. Il y aura du cardio, de la vitesse… Je vais me frotter aux meilleures athlètes mondiales. Quand je reviens aux États-Unis, c’est vraiment pour aller chercher une confrontation face à des filles qui saute régulièrement au-delà des 6m80. À mon retour l’objectif sera d’aller chercher les minimas à 6m86 pour s’assurer que toutes les conditions sont remplies pour participer aux JO. C’est extrêmement élevé. Ça a suffi pour être médaillée sur certaines olympiades (Pékin 2008, ndlr)… 

Quel est ton rapport à la ville de Nantes et pourquoi avoir choisi de poursuivre ta carrière au Nantes Métropole Athlétisme en 2020 ? 

Ma famille habite en Normandie. Pendant le COVID, je suis rentré des États-Unis où j’étais pour un double projet sport/études (Master en relations et affaires internationales - Florida State University). Le président du NMA qui me connaît depuis toute petite m’a parlé du projet « Horizon Paris 2024 ». Je ne pensais pas rentrer en France. Le COVID m’a permis de me réhabituer à vivre ici. Je suis super contente d’être à Nantes et d’être accompagnée par le Crédit Mutuel. Cette stabilité me fait beaucoup de bien sur et en dehors du stade. 

Tu fais partie de ceux dont le destin a basculé avec le COVID…

Ça a chamboulé ma vie. Aujourd’hui j’en vois le positif mais ça restera une période très difficile pour moi. J’avais validé mon Master aux États-Unis et je commençais à m'entraîner dans un groupe professionnel. Ma mère s’inquiétait de la gestion américaine du COVID, donc je suis revenu en France. J’ai fait une mini dépression, j’ai pris 10kg… L’annulation des JO et cette période de restrictions ont été difficiles pour moi. Il a fallu tout reconstruire ici. Se refaire toute une équipe. D’où ma grande satisfaction de retrouver mon niveau ! Ça m’a appris la résilience. S’adapter et faire face à une crise.

C’était comment la vie universitaire aux USA ?

C’est encore mieux que dans les films (rires). La faculté où j’ai été admise en Caroline du Sud était incroyable. En France on m’a demandé de choisir entre Sciences-Po et le sport. Là-bas le système est complètement différent. Je ne pouvais pas rêver mieux. Tout est mis en place pour qu’on soit performant au niveau scolaire et sportif. 

Ta carrière connaît un vrai rebond depuis la saison dernière. Quels ont été les facteurs clés de ton renouveau ?

La stabilité est essentielle. J’ai réussi à retrouver, à Nantes, un écosystème centré autour de la performance et du bien-être. J’arrive à financer ma carrière sportive. J’essaie de trouver des partenaires. J’ai une entière confiance en mon coach, Richard Cursaz, assisté par Yann Randrianasolo sur l’aspect technique. On s'entraîne au CREPS et au Stade Pierre Quinon. C’est une addition de choses très importantes. 

On se dit que tu peux encore continuer longtemps… Encore 6-7 ans peut-être (elle aurait 34 ans) ?

Ah non certainement pas (rires). Dans ma tête je me disais après les Jeux de Paris je vais arrêter. Après, il y a eu une interruption du au COVID. On me dit souvent que je peux encore continuer au moins jusqu’à Los Angeles 2028. Je n’aurai que 32 ans. Si cette saison se passe très bien, je continuerai. La vie ne s’arrête pas après le sport. Il y a encore plein de belles choses à vivre. Je ne forcerai pas mon corps à faire des choses qu’il ne peut plus supporter. 

On sent que tu cherches avant tout à te faire plaisir. Tout le monde me parle de ta bonne humeur et de ton sourire…

On me dit souvent que je suis une personne solaire. J’aime bien rigoler. Donner du plaisir et de l’espoir aux jeunes. Le sport c’est aussi de l’émotion. Quand je vais dans les écoles parler de mon parcours, si ça peut motiver au moins une personne, j’aurai tout gagner. 

Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour 2024… J’ai une petite idée… 

Une petite idée (rires). Surtout de l’épanouissement et de la santé. Je sais qu’avec ces deux choses là, ça va suivre. Je ne veux pas brûler les étapes. Je veux être présente aux championnats d’Europe et après qui sait ? Peut-être une belle performance aux JO ! Pourquoi pas faire une Eunice Barber -championne du monde de longueur à Paris en 2003- (rires).

Matthieu BELLÉE Journaliste au Journal Nantes Sport