FC NANTES - William Ayache : « Un scandale de ne pas libérer les joueurs pour les JO ! »

Le Jaune et Vert lui coule dans les veines. William Ayache, joueur du FC Nantes entre 1979 et 1988, a été un acteur et un témoin privilégié de la grande histoire du club. De la création de la Jonelière à l’avénement de Jean-Claude Suaudeau. L’ancien latéral gauche international (20 sélections) a remporté 2 titres de champion de France avec les Canaris à une époque où le FCN dominait le football français comme en témoigne ces quatre places de dauphin, les deux épopées européennes de 80 et 85 et cette mythique finale de Coupe de France 83. Son parcours restera également marqué par la victoire aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 84. À quelques mois des JO de Paris 2024, William Ayache a accepté de revenir sur ses souvenirs des deux côtés de l’Atlantique.

Jun 10, 2024 - 11:44
Jun 10, 2024 - 11:52
FC NANTES - William Ayache : « Un scandale de ne pas libérer les joueurs pour les JO ! »

Avez-vous toujours un oeil sur l’actualité du FC Nantes ?

C’est mon club de cœur. J’y suis attaché. Je reconnais que je ne regarde plus trop les matchs. En revanche, je suis toujours les résultats assidûment. J’ai suivi avec attention l’évolution du score entre Nantes et Montpellier en avril dernier avec Antoine contre Michel, mes deux anciens coéquipiers. 

Vous avez bien connu Antoine Kombouaré au club au milieu des années 80…

Quand Antoine est arrivé j’étais déjà au club depuis 6 ans (1977). Il a vraiment commencé à jouer avec nous en 1985. Antoine, c’est une belle personne. Il avait toujours le sourire. Respectueux, comme il l’est aujourd’hui. Il parle de Nantes de la même façon que moi. C’est son club de cœur. J’ai un peu perdu le contact avec tout le monde. Je suis sûr la Côte d’Azur désormais. Il y avait un repas des anciens mais je n’ai pas pu y aller. J’ai coupé avec le monde du foot. Je ne m’y reconnais plus trop. 

Vous avez aussi connu ce FCN « new look » entre 2014 et 2016 en tant que recruteur. Quel bilan faites-vous de cette expérience ?

Je remercie Monsieur Kita de m’avoir permis de revenir dans ce club que j’aime. Si on regarde les joueurs que l’on a signé c’est plutôt bien. On a pris Adrien Thomasson, Diego Carlos, Lucas Lima, Emiliano Sala, Guillaume Gillet, Youssouf Sabaly… Le bilan comptable, juge de paix d’une cellule de recrutement, est très largement bénéficiaire. Diego Carlos c’est plus 14 millions, Lima, plus 5 millions, Sala, paix à son âme, plus 16 millions, etc. On s’est planté avec Thomsen qui n’avait coûté que 700 000 euros ! Quand je regarde les moyens déployés aujourd’hui en comparaison avec ce qu’on a eu, c’est le jour et la nuit. 

"C’est un « artiste » Monsieur Kita (sourire). Il aime les dribbleurs. Je lui ai dit à de multiples reprises « On n’a pas besoin de ça ! »"

Il y a aussi eu Sigthorsson, Kacaniklic, Adrian, Cana…

Pour ces quatre joueurs, c’est le président. C’est son argent… C’est lui le patron. Il y avait un dialogue permanent. Il était à l’écoute. Il y avait une forme de proximité et j’ai pu lui dire les choses honnêtement. Si vous saviez combien de fois on s’est opposé à la venue de certains joueurs avec Olivier Monterrubio. C’est un « artiste » Monsieur Kita (sourire). Il aime les dribbleurs. Je lui ai dit à de multiples reprises « On n’a pas besoin de ça ! ». On a été écouté, croyez-moi ! Nous n’avions pas carte blanche mais si on fait le bilan de ces deux saisons et demie, c’est pas mal. 

L’arrivée de René Girard vous a été fatale…

On s’est planté avec René Girard. On voulait Gourcuff. Quand Conceicao arrive avec les mêmes joueurs, il réussit à transformer l’équipe. On avait proposé le profil de René Girard au président. Il y a eu un problème de relations entre eux, surtout avec Franck. René n’a pas fait ce qu’il fallait. Il a vite baissé les bras. J’ai été un peu déçu. J’ai connu le personnage en tant que joueur ou entraîneur à Nîmes. Je n’ai pas vu le battant que je connaissais. 

Vous faites partie des légendes du FC Nantes. Que vous reste t-il de ces 8 saisons en Jaune et Vert ?

Ce sont les belles années. J’aime l’histoire de ce club. Il y avait un grand respect des anciens. Moi qui vient du Sud-Ouest, terre de rugby, je ne pouvais mieux tomber. À Nantes, tu joues pour l’équipe. Je reconnais qu’avoir eu un grand monsieur comme Coco Suaudeau comme entraîneur, c’est une chance inouïe. Pour sa première saison, on gagne le championnat avec 10 points d’avance. On était sur un nuage. On aurait dû faire le doublé avec la Coupe de France. J’ai fait le trajet de Cannes pour venir le voir il y a quelques mois. J’avais besoin de le voir pour discuter et lui exprimer ma gratitude. Quel plaisir de le revoir ! Le FC Nantes, ça vous marque un bonhomme ! 

"C’est un scandale. Ne pas permettre à ces joueurs de représenter la France pour les JO, c’est scandaleux ! On a l’impression qu’il n’y a que le pognon. Cette compétition devrait entrer dans le calendrier FIFA."

Comment êtes-vous arrivé au club, vous, l’enfant du sud-ouest ? 

C’est mon entraîneur de l’époque à Tarbes, Antonio Torres, qui a écrit au FC Nantes. Il connaissait bien Robert Budzynski. Au départ, ils m’ont refusé. Il y avait trop de demandes. Il s’avère que Monsieur Torres a insisté auprès de Robert. J’avais un profil différent. J’étais accrocheur, rapide. Je ne lâchais rien. Les gens du sud comme Michel Der Zakarian et moi avons amené une forme d’agressivité. Avant on entendait : « À Nantes il suffit de leur mettre des coups et ils se dégonflent ». J’ai plu à Coco et j’ai eu la chance de progresser sur ces conseils. J’ai connu l’inauguration de la Jonelière pour la formation. Avant, on s'entraînait aux Basses Landes. Il n’y avait pas la fosse ou des terrains de tennis-ballon. Vous n’imaginez pas le changement. On a eu une chance formidable de connaître ce club. C’est aussi pour ça que c’était un honneur de revenir y travailler. 

Nous sommes à moins de 3 mois des Jeux Olympiques de Paris 2024. Il y a 40 ans vous faisiez partie de l’Équipe de France victorieuse à Los Angeles… À jamais les premiers ! 

On nous a un peu oublié pendant tout ce temps. Nous sommes tout de même la première médaille d’or française dans un sport collectif. Bien avant le volley ou le handball. On est passé à chaque fois par le petit trou de la serrure. Que ce soit en qualification ou en match de barrage face à l’Allemagne avant le début de la compétition aux États-Unis. Je n’avais pas pu être de la double confrontation face à l’Allemagne. Le FC Nantes avait un match de championnat en retard à ce moment-là. Le club ne nous a pas laissé partir. Les gars se qualifient à 10 contre 11, notre gardien arrête un penalty et Guy Lacombe marque en fin de match. Il faut le facteur chance. Ça nous a permis de participer aux JO. 

Qu’est ce que vous pensez des clubs qui refusent de laisser partir leurs joueurs pour la compétition finale ?

C’est un scandale. Ne pas permettre à ces joueurs de représenter la France pour les JO, c’est scandaleux ! On a l’impression qu’il n’y a que le pognon. Cette compétition devrait entrer dans le calendrier FIFA. En plus, c’est en France ! Ce qu’on a vécu aux JO de 84 c’est une aventure humaine exceptionnelle. 

"Henri Michel ? Pour moi c’est lui le plus grand joueur nantais de l’histoire"

Qu’est ce qui a rendu cette aventure exceptionnelle ? 

La mentalité du groupe, la bienveillance, le respect, le partage, le travail, la rigueur. On a profité des Jeux. On était tous les jours au stade olympique. On a vu les finales d’athlétisme ! Carl Lewis, Edwin Moses, Daley Thompson… On a tout vu. On était vraiment un groupe de copains. Soudés. Au village Olympique on devait être maximum deux par chambre. On a fini à six avec les matelas au sol. En un mois et demi, il n’y a pas eu un seul accrochage. Si un joueur se blessait, un autre sortait du banc et se mettait au niveau. Certains n’ont pas joué mais n’ont jamais mis le bordel. Je souhaite à tous les joueurs de vivre ça. 

Il y a aussi eu le travail du staff et d’Henri Michel, le sélectionneur, que que vous aviez connu en tant que joueur à Nantes…

J’ai eu la chance de jouer avec lui. Pour moi c’est lui le plus grand joueur nantais de l’histoire. Il avait une aura, un charisme. C’était un exemple p*****. J’étais en admiration. Il savait te mettre en confiance. C’est un leader né, en plus d’être un grand technicien. Il était juste, toujours. Quel joueur c’était ! Ce titre olympique, c’est lui. Il a bâti ce groupe ! Il a mis l’ambiance. Un homme exceptionnel. 

"On avait l’impression de ne jamais s'être quittés. C’était il y a 40 ans ! On a toujours 20 ans dans nos têtes (sourire). On a passé une journée exceptionnelle."

Comment se sont passées ces trois semaines de compétition aux États-Unis…

Ça se passe en deux périodes. D’abord on a joué sur la côte Est des États-Unis contre le Qatar, le Chili et la Norvège. Il fallait terminer premier de la poule pour accéder aux quarts. On se qualifie sur une cagade du gardien chilien suite à une frappe lointaine. Grâce à ça on va au village Olympique de Los Angeles pour la phase finale. Jusqu’à cette finale contre le Brésil… 

… Dans ce stade mythique du Rose Bowl de Pasadena, sans toit, avec ses près de 102 000 spectateurs..

C’est impressionnant. De jouer une finale contre le Brésil dans de telles conditions, c’est exceptionnel. On était comme des gosses. Quand on gagne, on est un peu surpris. Sur l’ensemble de la phase finale c’est totalement mérité mais quand on voit d’où on vient… Comme quoi l’état d’esprit est important. On a rigolé pendant 1 mois et demi. Que des bons mecs. Par contre quand il fallait travailler, on était sérieux. Henri était fort pour nous responsabiliser. 

Vous avez pu garder le contact avec ce groupe ?

On a eu la chance de se retrouver il y a deux mois. On était invité par le Comité Olympique pour le tirage au sort du tournoi de football. On avait l’impression de ne jamais s'être quittés. C’était il y a 40 ans ! On a toujours 20 ans dans nos têtes (sourire). On a passé une journée exceptionnelle. Comme des gosses. On a créé un groupe WhatsApp. On va se revoir le 13 mai à l’invitation de la fédération. On a toujours été les grands oubliés de la FFF. Comme par hasard on nous ressort du chapeau pour les jeux… 

Si vous deviez choisir entre la victoire aux JO et cette 3e place décrochée lors de la Coupe du Monde 1986 au Mexique…

C’est différent. Un titre aux Jeux, c’est incroyable. Une Coupe du monde pour un joueur de foot c’est quand même le Graal. De pouvoir côtoyer les meilleurs joueurs du monde. J’ai eu la chance de vivre les deux (sourire). Maintenant, j’espère que notre club, le FC Nantes, se sauve ! 

Matthieu BELLÉE Journaliste au Journal Nantes Sport