Ligue 1 (FC Nantes) - Moussa Sissoko : “J'ai un mental d'acier“

Il est arrivé à Nantes avec la pancarte de « recrue phare » du mercato estival 2022. Moussa Sissoko a payé dans les premiers mois des performances peu en rapport avec son statut d’international français et un salaire souvent raillé dans les coursives de la Beaujoire. Sa renaissance sous les ordres de Jocelyn Gourvennec et sa confirmation depuis deux matchs en soutien de l’attaquant sous Antoine Kombouaré font de lui un élément clé de la fin de saison des Jaune et Vert. Le numéro 17 des Canaris en a profité pour donner sa vision de ces deux saisons passées sous le maillot nantais, sans langue de bois. 

Avr 20, 2024 - 10:56
Avr 23, 2024 - 10:47
Ligue 1 (FC Nantes) - Moussa Sissoko : “J'ai un mental d'acier“
Moussa Sissoko à la Beaujoire lors de la réception de Rennes (@Julien Bouguerra)

Quand on regarde les récents résultats du FCN à domicile on se dit que vous pouvez être un peu paralysé à l’idée de se retrouver dans ce stade… Est-ce vraiment un atout pour vous aujourd’hui de jouer à la Beaujoire ?

Il y a une petite appréhension. On sait que le public va mettre une bonne ambiance mais qu’il peut rapidement se retourner contre nous. Ca fait un moment qu’on n’a pas gagné. Il suffit d’une petite erreur, une mauvaise passe pour entendre les premiers sifflets. C’est quelque chose qui ne nous avantage pas. On se doit de faire abstraction de tout cela. On peut les comprendre. Venir tous les week-ends voir son équipe perdre, c’est exaspérant. À certains moments, ces critiques étaient légitimes. Parfois, moins… Ils doivent essayer de se mettre à notre place. On ne fait pas exprès d’être dans cette situation. On a manqué de réussite. À plusieurs reprises l’arbitrage s’en est mêlé. C’est un mélange de plein de choses.

Vous allez affronter Rennes et Lille pour finir la saison à la Beaujoire. Ce ne sont pas forcément les meilleures équipes pour se relancer…

Ce sont deux équipes qui ont l’habitude de jouer le haut du tableau. Le derby c’est un match complètement différent. Je suis sûr que le public sera à fond derrière nous et saura faire abstraction de ce qui s’est passé avant. Il faut faire bloc. Ils connaissent l’importance de ce match mais plus globalement de cette fin de saison. 

Depuis deux matchs, avec Kombouaré sur le banc, on sent une équipe plus entreprenante. Qu’est ce que le coach a apporté depuis son arrivée ?

Il ne partait pas dans l’inconnu. On le connaît bien aussi. Dans son premier discours il a regretté cette mentalité trop défensive avec ce jeu un peu trop basé sur la contre attaque. Il a demandé aux joueurs offensifs de rester devant et aux milieux d’apporter le surnombre. Il a insisté sur cette notion d’attaquer en nombre. C’est aussi l’objectif de mon repositionnement dernière l’attaquant. J’aime bien me projeter, accompagner les attaques. Il m’a dit qu’il me voyait bien dans ce rôle là. L’équipe a montré de belles choses. On s’est créé pas mal d’occasions. C’est un bon début. Si on nous avait dit : « Est-ce que vous prenez 3 points sur 6 ? »… Je pense qu’on signait. Ça nous a permis de sortir de la zone rouge même si on est toujours sous la menace.

Le coach était apparu assez fatigué en fin de saison dernière. Tu as le sentiment que ce break lui a fait du bien ?

On était tous fatigués. C’était une saison éprouvante physiquement et mentalement. Il y a eu 53 matchs avec une grosse pression due à l’absence de résultats. Depuis son retour, il amène une énergie positive. Il est déterminé à sauver SON club (sourire) comme il le répète assez souvent. On sait l’attachement qu’il a pour le FC Nantes. On va tout faire pour bien terminer la saison.

Il y a pu y avoir quelques incompréhensions entre vous par le passé. Quels rapports entretiens-tu avec Kombouaré ?

À certains moments j’ai pu être un peu mécontent. En venant ici je m’attendais à avoir beaucoup plus de temps de jeu. Ce n’est pas que le coach n’avait pas confiance en moi. On avait des rapports professionnels. Je savais qu’il y avait beaucoup d’attentes sur moi. Dans ce nouvel environnement, j’aurais eu besoin de plus de temps d’adaptation. Selon moi, on ne me l’a pas laissé. On a été très sévère et critique envers moi. C’est vrai que j’étais touché de ne pas commencer les matchs. De part mon statut et mon parcours, je m’attendais à jouer beaucoup plus. J’ai toujours respecté ses choix. Nous ne nous sommes pas séparés en froid. On a eu une discussion à son retour. Tout s’est bien passé. Il m’a fait part de ce qu’il attendait de moi sur cette fin de saison. 

On a l’impression que tu fonctionnes pas mal à « l’affect ». Tu as besoin de te sentir aimé pour performer ?

Je ne sais pas. Ce qui est sûr c’est que plus tu te sens aimé et plus tu as envie de donner pour la personne. Je suis surtout quelqu’un qui n’aime pas l’injustice. Il y a en a eu beaucoup ici. Surtout dans les premiers mois cette saison. À certains moments j’aurais mérité de jouer davantage. Des choses m’ont été dites hors terrain, surtout en début de saison, et n’ont pas été respectées. Il y a eu un manque d’honnêteté. Je n’abdique jamais. Partout où je suis passé, rien ne m’a été donné facilement. J’ai une force, c’est mon mental. Ça se passe beaucoup mieux depuis quelques semaines. Ça prouve que j’ai un mental d’acier. J’ai mangé pas mal de choses mais je n'ai jamais lâché. J’en ai dans le ventre. 

On a énormément parlé de tes émoluments mensuels au FCN. Tu as l’impression d’avoir été pris pour cible aussi pour cette raison ? 

Je n’ai mis le couteau sous la gorge de personne. Si j’ai ce salaire c’est que je le mérite tout simplement. Ce n’est pas en fonction du salaire qu’on juge un Homme. Les critiques sont trop souvent sévères et injustes. Ce n’est pas parce qu’on est pas performant qu’on a pas envie de bien faire ou qu’on manque de respect au club. Certains joueurs ont besoin de plus de temps d‘adaptation.

Les supporters avaient trop d’attente ? 

C’est compréhensible. Un international français arrivait au FC Nantes… Je suis arrivé dans une équipe dans le dur pendant presque toute la saison. Je suis objectif. Je ne veux pas me trouver d’excuses mais il faut prendre l’environnement du club en compte. En arrivant, les gens pensaient que j’allais être le sauveur. Je ne suis pas le type de joueur qui va faire changer le cours du match à moi tout seul. Bien sûr je peux apporter beaucoup de choses mais j’ai besoin que l’équipe tourne bien. Je ne suis pas un joueur de statistiques. Dans une situation comme ça j’étais une cible facile. Je suis international, j'arrivais d’Angleterre. Ça ne me dérangeais pas de prendre toute cette « merde » pour permettre aux autres d’être mieux dans leur tête. J’ai cette expérience et ce vécu.

Depuis l’arrivée de Jocelyn Gourvennec en novembre dernier, tu as plus de temps de jeu. Tu as souvent répété que tu as besoin d’enchainer les matchs pour performer…

Ce retour en forme, je le dois effectivement à Jocelyn Gourvennec. Je l’en remercie fortement parce que je partais de très très loin. On a une discussion claire. Il voulait savoir pourquoi je ne jouais pas. Il a vu des choses à l'entraînement qui lui ont plu. Il m’a redonné cette légitimité au sein du groupe. Une sorte de vice-capitaine. Matchs après matchs, je sentais que je montais en puissance jusqu'à trouver mon rythme de croisière. Je connais mon corps. Gourvennec ne m’a pas bridé. Je me suis senti plus à l’aise. Si tu veux voir mes qualités, il faut me laisser des libertés. Ce n’était pas un cadeau de sa part. Je te parlais de ma force mentale tout à l’heure… En début de saison je ne jouais quasiment pas. Je sais que tout peut aller très vite donc je me devais de garder un rythme d’entraînement élevé. Il fallait être prêt en cas de blessure ou de changement d’environnement en l’équipe première. Ça a été dur au quotidien de ne pas jouer et de voir les collègues s’épanouir sur le terrain. Je n’avais pas l’habitude de cette situation. On a un très bon groupe de joueurs. Les gars me parlaient et m’ont aidé. 

Ce nouveau positionnement derrière l’attaquant avec Antoine Kombouaré semble t’aller comme un gant. Tu as le coffre pour aller presser sur les phases défensives mais tu es aussi capable de remonter le terrain comme sur ce but contre Lyon…

Comme j’ai le coffre, je sais que je peux le faire aujourd’hui. J’ai l’habitude de jouer milieu de terrain. Je sais qu’en pressant d’une certaine façon, ça va faciliter le travail de Pedro et Douglas derrière. Si tu arrives à contrecarrer les premières relances adverses, ce sont généralement de belles possibilités de marquer. Ça a été le cas contre Nice avec Dante par exemple. J’essaye de faire ce que je conseille à mes attaquants quand je joue un cran plus bas. J’ai plus de liberté et je peux exploiter ma puissance à ce poste. J’ai encore les « cannes » pour remonter le ballon, provoquer… À moi d’être encore plus décisif. 

Si tu devais garder une distinction reçue au cours de ta carrière entre « L’équipe de légende de Toulouse », « L’équipe type de la Ligue des Champions 2019 » ou celle plus honorifique de « Joueur français de la finale de l’Euro 2016 », laquelle garderais-tu ? 

C’est dur. Les 3 sont magnifiques. Je dirais quand même Toulouse. C’est mon club formateur qui m’a permis d’être où je suis aujourd’hui. J’ai encore pas mal d’attaches là-bas. Tottenham c’était merveilleux. Notamment cette épopée en Ligue des Champions. Après l’Équipe de France c’est le graal. Le top du top. Mais sans Toulouse je n’en serai pas là. 

Tu as recemment fait le buzz sur les réseaux en te rendant à l'entrainement de ton fils...

Ca a fait du buzz (sourire). C’était un petit qui a joué en jeune au FC Nantes avant de déménager sur Paris. Il s’est retrouvé dans le même club que mon fils. Il me parlait souvent de lui. Il était choqué mais content de me voir. C’était marrant et plaisant. J’aime bien avoir ces petits moments de partage. Étant jeune je n’ai pas eu la chance de croiser des joueurs pros. Leur donner le minimum peut les rendre heureux. C’est aussi transmettre à la nouvelle génération.

Tu es en fin de contrat à la fin de la saison. Es-tu en contact avec la direction pour une éventuelle prolongation ?

Ça serait mentir de dire que je ne pense pas à la saison prochaine. J’ai toujours cette envie de continuer le foot. Je ne vais pas trop en dire pour l’instant. Vous verrez bien dans les mois à venir. Ce qui m’importe c’est vraiment ce maintien avec le FC Nantes. 

Finir sur une bonne note…

(Sourire) On verra de quoi sera fait mon avenir. Je serais peut-être à Nantes. C’est la surprise du chef. Nantes est un très grand club français. On se doit de maintenir ce club et être à la hauteur de l’histoire de ce club. On se bat vraiment tous les jours pour être le plus performant possible et partir en vacances avec le sentiment du devoir accompli. Pour le reste vous verrez en temps voulu ce qu’il adviendra de Moussa Sissoko (rires). 

Comment rêves-tu de finir ta carrière ?

Je veux continuer à jouer et trouver un club où je me sens bien et là où on m’apprécie pour le joueur et l’homme que je suis. M’épanouir ! Que ce soit en France ou à l’étranger peu importe. J’ai toujours cet amour pour le football et cette flamme d’enfant quand je suis sur le terrain chaque week-end.

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Matthieu BELLÉE Journaliste au Journal Nantes Sport