"Une méga-pression sur l'équipe Lyonnaise"
Hervé Penot est grand reporter pour le journal L'Equipe pour lequel il suit notamment l'Olympique Lyonnais. En exclusivité pour le journal Nantes Sport, il a accepté de décrypter la 1/2 finale de coupe de France entre le FC Nantes et l'Olympique Lyonnais ainsi que la saison des joueurs de Laurent Blanc.
L'Olympique Lyonnais reste sur une victoire de prestige face au PSG dimanche. C'est la préparation idéale pour la 1/2 finale de coupe de France ?
C'est la préparation idéale, parce qu'évidemment, il vaut mieux une victoire face au PSG en terme de confiance. Ca va permettre aux Lyonnais de se sentir un peu plus sereins et sûrs d'eux. Mais ils savent très bien que c'est un match qui n'aura absolument rien à voir. En plus le PSG, avec les stars qui n'étaient pas au rendez-vous, c'est une équipe qui leur correspond assez, parce que c'est l'une des équipes qui donnent le moins d'impact physique finalement dans le jeu en France. Et Lyon, c'est dans ce domaine-là qu'ils peuvent être mis en difficulté. Ils savent qu'à Nantes, ce sera une autre affaire, et même si les Nantais ont perdu dimanche face à Reims, ils ont la certitude que ça n'aura rien à voir en termes de jeu et puis de la manière dont le match va se dérouler. Mais ce qui est certain, c'est que gagner à Paris, ça ne peut pas faire de mal.
S'agit-il du match le plus important de la saison pour l'OL ?
Oui absolument. Le plus important avant le prochain éventuellement. Le plus important dans tous les cas, ce serait la finale. Mais avant d'arriver en finale, il faut gagner la demie. Aujourd'hui, au moment où on se parle, le match le plus important, c'est ce match-là. Ils ont pris trop de retard en championnat, ils n'ont même pas du tout la certitude qu'ils pourront accrocher même la dernière coupe d'Europe tellement ils sont mal partis. A la fois mal partis et puis non plus pas eu de rebond quand leur aurait permis de croire à une possible cinquième ou sixième place, en tout cas pour l'instant à moins d'un sprint incroyable et d'un écroulement des autres. Donc aujourd'hui effectivement, le match le plus essentiel pour eux, c'est ce match-là, parce que ça leur permettrait de passer d'une saison si ce n'est catastrophique mais pas loin, à une saison je dirais réussie. Si vous gagnez un titre, qu'on le veuille ou non, le football c'est quand même des trophées. Après, ça n'empêchera pas l'analyse. Gagner une coupe de France, c'est quelque chose de très important pour pour l'OL qui n'a rien gagné depuis 2012, mais à l'analyse après il faudra juger la saison, qui évidemment sur le plan du jeu aura été très loin de ce qu'il pouvait espérer. Il va y avoir une méga-pression sur l'équipe Lyonnaise.
"S'il gagne la coupe de France, Laurent Blanc sera l'homme qui aura permis à l'OL de regagner un trophée"
Laurent Blanc dont le bilan est contrasté, peut-il sauver sa saison avec une victoire en coupe de France et une qualification pour l'Europa League ?
C'est certain, si lui gagne la coupe de France, il sera l'homme qui aura permis à l'OL de regagner un trophée, quelque soit le résultat en championnat. C'est certain que pour lui, c'est important. Maintenant, je ne pense qu'il en fasse une affaire personnelle. Connaissant le personnage, il est très loin de ça, un peu comme Kombouaré d'ailleurs. Ils connaissent le milieu du foot, ils savent ce qu'il se passe, ce qu'il se dit, ce qui se fait. Il a vécu un peu près tout dans le football Laurent Blanc, donc lui ce qu'il veut surtout, c'est faire gagner son équipe et remettre un peu Lyon sur le devant de la scène. Même si évidemment, il y a quand même une satisfaction personnelle à réussir un bon résultat. Il ne faut pas croire non plus qu'on complètement imperméable aux félicitations, aux critiques. C'est toujours un plus pour un entraîneur mais là franchement, c'est le club qui est important, qui prédomine parce que c'est vrai que pour l'instant en championnat, les résultats sont décevants avec Laurent Blanc comme Peter Bosz. Lui étant le deuxième successeur, on va dire qu'il a hérité aussi d'une équipe de joueurs et qu'il a essayé de relancer quelque chose, ça va un peu mieux sur le plan du jeu. Sur le plan des résultats, ils perdent peu et c'est vrai mais il y a beaucoup de matchs nuls, donc ça n'avance pas tellement. Pour l'instant, il y a une forme de déception par rapport aux résultats qu'il a pu obtenir.
Avec 21 buts (17 en Ligue 1 et 4 en coupe de France), le retour d'Alexandre Lacazette fait beaucoup de bien à l'OL ?
C'est le facteur x un peu de l'équipe avec Anthony Lopes. Il y a aussi Corentin Tolisso qui revenait pas mal. Enfin Lacazette, c'est quand même le joueur clé. 21 buts depuis le début de la saison, il revient à 32 ans dans l'équipe, il est vraiment le joueur que l'OL attendait. C'est le leader, son retour fonctionne bien. Et s'il y a un joueur Lyonnais à surveiller du côté Nantais, ça va être en premier lieu Lacazette.
A quel match s'attendent les Lyonnais face à une équipe du FC Nantes qui vient de subir une lourde défaite à domicile face à Reims ?
Ils savent qu'avec Antoine Kombouaré, il n'y a guère de mystère. C'est une équipe qui je pense, va être bien préparée, on sait que sur ce type de rendez-vous, il sait faire. Ils ont quand même gagné la coupe de France l'année dernière, donc ça veut dire quelque chose. Alors c'est vrai qu'en championnat, c'est beaucoup moins bon, mais il n'empêche qu'en terme de motivation, je n'ai pas tellement de soucis avec Antoine Kombouaré. Je sais qu'il va pousser ses hommes à fond, ça va être un match dur, on imagine bien beaucoup d'impact physique, une volonté un peu de faire mal aux Lyonnais qui peuvent parfois être un peu fragiles. Parfois les scénarios qu'on attend ne sont pas du tout ce qu'on voit finalement sur le terrain, donc il faut aussi se méfier des prédictions sur ce type de match, parce que ça peut se jouer sur pas grand-chose. Il n'y a plus de prolongation après 90 minutes, ce qui peut aussi changer les rapports de force en terme de changements. Ce qui à première vue est logique, c'est qu'on devrait avoir un affrontement très très serré. Il faut savoir que l'OL est meilleur à l'extérieur sur les derniers matchs plutôt qu'à domicile où il a un peu de mal à faire le jeu devant leur public. Parce qu'il y a une pression supplémentaire, quoique ces derniers temps, le public a plutôt été sympa avec les joueurs. Mais c'est vrai que ce n'est pas toujours simple à domicile. Ils ont perdu à Auxerre mais à côté de ça, ils ont quand même eu pas mal de victoires à l'extérieur notamment à Paris.
"J'imagine que pour Jean-Michel Aulas, retourner au stade de France ce serait quelque chose d'énorme"
Laurent Blanc est le quatrième entraîneur de l'OL depuis quatre ans. A quoi est lié ce manque de stabilité ?
Je pense qu'il y a des recrutements qui n'ont pas toujours fonctionné en terme de joueurs. Lyon a été le grand club français du début des années 2000, après il a fallu faire ce stade et moins d'investissements mis sur la table pour faire justement tous les investissements physiques extérieurs. Et après je trouve, il y a eu des recrutements qui étaient sur des paris, c'est-à-dire des joueurs de 20, 21 ou 22 ans qu'on achète pour essayer de les vendre un peu plus tard. Ce type de marché peut entraîner des erreurs de recrutement, parce que vous avez parfois des joueurs qui sont encore un peu justes pour le très haut niveau et qui sont des bons joueurs, mais qui ne peuvent pas vous apporter tout de suite ce qu'il faut. Après, les anciens qui sont venus, alors pour c'était des grosses erreurs, comme Boateng et Shaqiri qui étaient des joueurs un peu plus expérimentés, ça s'est mal passé. Je critiquais souvent le recrutement, je trouvais que depuis longtemps, il manquait un défenseur central costaud et un mileu défensif costaud par exemple. Avec l'arrivée de Lovren, ça a fait beaucoup de bien.
L'OL s'est-il parfois trompé dans le recrutement ?
Je pense que certaines analyses ont été un peu erronées. Et puis après les choix de joueurs, malheureusement on prenait parfois des joueurs, on pensait que ça allait fonctionner et en fait, pas du tout. Il y a parfois aussi une part d'incertitude mais c'est vrai que les recrutements n'ont pas été exceptionnels. Alors il y a eu Paqueta, qui avait beaucoup donné mais il a fallu le vendre parce qu'à un moment, il fallait récupérer de l'argent et pareil pour Guimaraes. Mais ce qu'il faut dire, c'est que le but aussi, c'était de faire de l'argent et puis la vente du club qui fait qu'à un moment, tout a été mis en stand-by. Mais Lyon n'est pas un club qui peut se permettre de dépenser des sommes folles pour des joueurs, en dépit de ce que dit Jean-Michel Aulas en disant on peut prendre des stars. Non, c'est absolument faux. On est dans un discours où il y a un décalage à ce qu'attendent les supporters qui pensent qu'on va pouvoir prendre n'importe qui, et puis la réalité du terrain. Même quand vous prenez des joueurs qui peuvent avoir des potentialités comme Romain Faivre ou Jeff Reine-Adélaïde, ne sont pas nécessairement bons sur le terrain. Ce sont des joueurs qui étaient bons quelque part, à Brest par exemple, mais quand vous arrivez à Lyon, ce n'est plus du tout la même histoire. Vous pouvez aujourd'hui prendre des joueurs de Lens, il n'est pas du tout sûr qu'ils réussiraient à Lyon, encore moins à Paris ou à Marseille. Tout ça fait qu'il y a eu pas mal d'erreurs qui se sont accumulées au fil du temps, après il y a eu les problèmes avec Bruno Génésio qui est parti logiquement d'ailleurs, parce que ce n'était pas résistable au bout d'un moment. Après le choix de prendre Juninho, ça n'a pas très bien fonctionné, c'est le moins que l'on puisse dire. En plus il y a eu des problèmes en interne avec certains, lui Juninho avec Rudi Garcia. Alors que Rudi Garcia a quand même eu des résultats intéressants, en étant 1/2 finaliste de Ligue des Champions, ce n'est pas rien. Lyon fini quatrième une année où ils ont un nombre de points très important. Ce n'était pas une mauvaise saison loin de là quand on voit ce qu'il se passe par la suite. C'est, à la rigueur le dernier feu de l'OL. Maintenant depuis deux ans, c'est beaucoup plus compliqué. Le choix de Peter Bosz n'a pas fonctionné non plus, ça ne correspondait peut-être pas non plus à la structure du club et lui, les joueurs ne correspondaient pas à ce qu'il était. Avec Juninho, c'était très compliqué même si Juninho, ça aura été l'homme qui aura ramené Paqueta et Guimaraes et donc de l'argent.
Comment le président Jean-Michel Aulas vit-il cette saison compliquée ?
C'est une saison encore plus spéciale pour lui parce qu'il a passé la main. C'est vrai qu'il est encore là pour trois ans mais on verra, l'avenir nous le dira. Pour lui c'était dur, c'est quelqu'un qui aime foncièrement son club, qui a construit un stade, un centre d'entraînement. C'est phénoménal ce qu'il a fait. Pour lui, ça été un moment très très dur parce que c'est vrai que nous ont est observateurs, mais quand on vit au jour le jour, il a quand même mis un peu d'argent dedans. Maintenant il en a récupéré grâce à la vente, donc il est tranquille pour la suite. Il a dû le vivre de manière assez violente parce qu'on ne peut pas être impacté psychologiquement par ce qu'il s'est passé. Et puis la vente, ça a été lourd, très dur, jusqu'à un moment, on se disait est-ce que ça allait se faire, pas se faire. Ce sont de grosses négociations avec des banques, à très très haut niveau. Mais c'est vrai que lui, il y a eu des moments de tension. Aujourd'hui, le fait d'avoir vendu, je pense que ça a été un énorme soulagement, ça a permis, à partir du moment où l'opération a été enclenchée, d'avoir trouvé l'investisseur, c'est très bien. Maintenant il faut encore relancer l'équipe et ça c'est le plus important. J'imagine que pour lui, aller au stade de France, ce serait quelque chose d'énorme.
Propos recueillis par Lionel Schneider