« Dans sa tête, Luis Castro est déjà à Nantes »

Annoncé avec insistance du côté des Canaris, l’entraîneur portugais de Dunkerque se verrait déjà sur le banc des Jaune et Vert selon Frédéric Sourice, journaliste sportif à La Voix du Nord. Spécialiste de l’USL Dunkerque depuis plusieurs saisons, il évoque, pour le Journal Nantes Sport, l’apport du coach de 45 ans au club nordiste. Style de jeu, relation avec les supporters, confiance envers les jeunes joueurs, impact sur les performances de Dunkerque, on découvre qui est vraiment le potentiel successeur d’Antoine Kombouaré sur le banc du FC Nantes

Jun 5, 2025 - 16:23
Jun 5, 2025 - 16:25
« Dans sa tête, Luis Castro est déjà à Nantes »

Luis Castro est annoncé avec insistance du côté de Nantes. Où en est la situation aujourd’hui ?

Je pense qu’il va finir par partir à Nantes. Dans sa tête, Luis Castro est déjà à Nantes. Il travaillerait déjà sur le mercato.

A Dunkerque, êtes-vous surpris de son départ ?

Je le suis un peu. Je ne pensais pas qu’il allait aller en Ligue 1. Je le voyais bien partir à l’étranger. Nantes recherchait un technicien qui faisait bien jouer son équipe. C’est son profil parce que c’est vrai que Dunkerque jouait très bien avec lui. On se doutait bien qu’il allait être convoité.

Quel style de jeu a-t-il mis en place ?

C’est un football de possession, son équipe a quasiment tout le temps la balle plus que l’adversaire. C’est aussi un football de position. A l’entraînement, il les travaille beaucoup. Chacun sait ce qu’il doit faire sur le terrain, c’est très précis. C’est un 4-3-3 tout le temps. Il s’adapte légèrement mais très peu. Avant chaque match, on savait que ça allait jouer dans ce dispositif. Il veut un cadre dans lequel les joueurs se sentent à l’aise pour s’exprimer. Il a remporté l’adhésion du vestiaire. Il a un parcours atypique parce qu’il n’a pas été joueur, même pas amateur. Il n’a pas hésité à voyager en allant jusqu’en Arabie Saoudite. Il vit sans sa famille à Dunkerque. C’est aussi un gros travailleur.

« C’est un football de possession et de position »

Au niveau de son style de jeu, on peut y voir un parallèle à Luis Enrique qui a mis du temps à le mettre en place au PSG…

J’y ai pensé. Il y a un peu de ça. On n’a pas de stars ici. C’est à l’échelle de la Ligue 2 mais sur la ligne d’attaque les meilleurs buteurs ce sont Gaëtan Courtet et Yacine Bammou avec 5 buts en championnat. Ceux qui marquent le plus ce sont les milieux relayeurs : Enzo Bardeli et Naatan Skytta, qui ont marqué 6 et 7 buts. La star, c’était l’équipe. Le président m’avait dit que le plus gros salaire, c’était le coach.

Sur son 4-3-3, est-ce qu’il y avait beaucoup de rotations dans l’effectif ou c’étaient souvent les mêmes joueurs ?

Ça ne change pas beaucoup même si devant c’était dur à prévoir. En attaque, il n’y a pas de titulaire qui s’est imposé. Il disait qu’il fallait être bon à l’entraînement pour jouer. Si un joueur ne l’était pas, peu importe son statut, il ne jouait pas la semaine suivante.

Que penses-tu de sa capacité à gérer un vestiaire de Ligue 1 ?

C’est un vrai questionnement avec les égos de chacun. On va le savoir à Nantes. C’est impossible de faire un pronostic. A Dunkerque, il bénéficiait de l’aura de Demba Ba (ndlr : directeur sportif de Dunkerque et ancien joueur professionnel de Chelsea ou Newcastle). Quand ça allait mal en 2023-2024, le directeur sportif a réuni les joueurs en leur disant qu’il allait finir la saison et en les mettant face à leurs responsabilités. Grâce à cet appui, ça change tout. Le cap était clair. Nos résultats n’étaient pas bons mais il croyait en lui. A Nantes, si après 5 à 6 journées, il a les mêmes résultats qu’au début à Dunkerque, ce ne sera sans doute pas pareil. C’est un entraîneur à qui il faut laisser du temps mais ce n’est pas vraiment le cas dans le football moderne. Ici, il a eu cette chance.

« Il n’aura pas de soucis pour faire des choix forts »

Comment est-il au sein de son groupe ? Quelle est sa personnalité ?

Il n’aura pas de soucis pour faire des choix forts. Je ne saurais pas dire s’il les explique mais c’est un entraineur de conviction. Il a réussi à se faire apprécier par les joueurs.

Comment sont ses entraînements ?

C’est très précis, sur des surfaces de jeu réduites mais toujours avec les mêmes principes. Il y a beaucoup de jeu avec le ballon. On les verra rarement faire des sprints sans la balle. Physiquement il n’y avait pas de soucis.

Au début les supporters souhaitaient sa démission. Comment a évolué sa relation avec eux ?

Les supporters ont tellement aimé le jeu qu’ils ont reconnu son rôle. La relation a été bonne au fil du temps. Il a laissé son nom pour très longtemps à Dunkerque. Je souhaite bon courage à son successeur. Il était assez discret avec eux. Il habitait en centre-ville donc il devait les rencontrer régulièrement.

« Si les jeunes sont bons, il les fera jouer »

Quelle est son positionnement avec les jeunes joueurs de l’équipe ?

A Dunkerque, on n’a pas de centre de formation. La réserve monte l’année prochaine en Régional 1. Il n’y a pas vraiment de jeunes. Il y en a bien un a qui il a fait confiance : Gessime Yassime (ndlr : 29 matchs, 3 buts en Ligue 2 en 2024-2025), qui venait des U19 de Marignane (ndlr : club de national 2). Alors qu’il n’avait jamais été en centre de formation professionnel, il l’a quasiment tout le temps mis titulaire depuis son arrivée en 2023-2024. Si les jeunes sont bons, il les fera jouer.

Parlons un peu plus de son expérience à Dunkerque. Comment a-t-il transformé l’équipe ?

Il a galéré parce qu’il est arrivé en 2023-2024 après 7 journées en Ligue 2 juste après une montée. Sur ses 12 premiers matchs de Ligue 2 en 2023-2024, il prend 7 points. A Noël, Dunkerque perd 0-5 à domicile contre Bastia et se retrouve avant-dernier avec 13 points. Selon Opta, le club avait 97,3% de chances de descendre avec ce total. A l’hiver, il y a un gros mercato, 8 joueurs arrivent. L’équipe fait match nul à Grenoble 2 partout après avoir été menée 2-0 et c’est parti. Le match suivant, Dunkerque bat Ajaccio à la maison. Dès lors, les résultats s’enchaînent. Ils font une phase retour à 33 points contre les 13 de l’aller. Ils se maintiennent sans problèmes avant la dernière journée. Le jeu se met en place et ils font à nouveau un gros mercato avec de superbes pioches.

« Il a une identité de jeu très propre à lui »

Cette année, il a aussi emmené Dunkerque en demi-finale de Coupe de France

C’est un parcours complètement surréaliste. Au 3e tour, Dunkerque se déplace à Béthune, un club de Régional 1. A la 92e, l’arbitre peut siffler pénalty pour Béthune mais ne le fait pas. Dunkerque s’impose finalement aux tirs aux buts. En huitième de finale, il y a le miracle lillois. Lille touche trois fois les poteaux, le gardien de Dunkerque est incroyable. On égalise à la 95e. Nouvelle séance de tirs aux buts. On est mené 4-1 pendant la séance. Le gardien fait plusieurs parades et on finit par s’imposer. En quart, Dunkerque gagne à Brest après avoir été mené 2-0. En demi-finale, on mène 2-0 face au PSG juste avant la mi-temps avant de se faire sortir.

Dunkerque a vraiment changé de visage avec lui ?

Oui, vraiment. Il a une identité de jeu très propre à lui. On ne le voyait pas souvent à Dunkerque. Le slogan sur le maillot c’est Contre vents et marées. Ça n’a jamais été la culture du beau jeu à la nantaise ici. Il y a eu une vraie transformation. Il a déjà tout vécu ici. Après 10 matchs, le public réclamait sa démission, parlait d’arnaque sur les réseaux sociaux. Finalement, il amène Dunkerque en demi-finale de Coupe de France, ce que le club n’avait plus fait depuis 1929. Il permet à l’équipe de terminer 4e de Ligue 2, le deuxième meilleur résultat de l’histoire du club, voire le meilleur. Dunkerque n’a jamais été en Ligue 1 et a fait 3e en 1979 mais il y avait 2 groupes en deuxième division. C’est la meilleure saison du club en 116 ans d’existence.

Propos recueillis par Thibault Marchand

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