Olivier Cailler : « le FCN 1994-95, équipe hyper bien équilibrée »
A l’occasion des 30 ans du 7e titre des Jaune et Vert, le Journal Nantes Sport revient pendant 3 mois sur la saison 1994-1995 du FC Nantes. Olivier Cailler, journaliste sportif qui a vécu la grande époque, co-auteur du document « Le record inégalé », nous partage ses souvenirs. Dans ce premier opus, il revient sur l’effectif et le fameux jeu à la nantaise.

Parmi les joueurs, on a tous des noms en tête 30 ans plus tard : Karembeu, Pedros, Loko, Ouédec, N’Doram… Si tu devais en sortir un ou deux, quels seraient-ils ?
Japhet N’Doram ! Tous les joueurs le disent. C’était un joueur très fragile mais c'était un joueur exceptionnel. S'il avait été Français, il aurait été en équipe de France. Tous les joueurs savaient que le Tchadien ne s’entraînait pas en semaine ou très peu. Il fallait le ménager, lui et son genou. En revanche, il avait passé un contrat tacite avec Jean-Claude Suaudeau. Il était là pour les matchs. Sur le terrain, c’était le maître à jouer. Tout passait par lui. Il jouait numéro 10 à l'époque. Ouédec avant-centre, Pedros à gauche et Loko à droite et derrière N’Doram, il y avait Ferri, capitaine de l’équipe, avec Makelele, Benoît Cauet ou Karembeu, qui sont des chiens sur le terrain. C’était une équipe hyper bien équilibrée. On peut mettre N’Doram en avant s’il faut en mettre un mais dans ce collectif, personne n’était au-dessus.
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« L’arrivée de N’Doram est atypique. Il se rend à St-Brévin avec l'équipe nationale du Tchad pour un stage et il est repéré. Il signe au FC Nantes parce que Jorge Burruchaga, champion du monde en 86 avec l'Argentine, se blesse. »
C’était le maître d’un style de jeu particulier…
C’est un peu comme la France lors de la Coupe du monde 2018. L'idée c'était de récupérer la balle très rapidement et d’aller directement vers l'avant en 2-3 touches de balles maximum. En se connaissant tous, ils savaient les courses qu'allaient faire les autres, ils savaient où ils pouvaient mettre la balle. Ce qu’il faut dire aussi, c’est que N’Doram est l’un des seuls qui n’a pas été formé au FC Nantes. Son arrivée est atypique. Il se rend à Saint Brévin avec l'équipe nationale du Tchad pour un stage et il est repéré. Il signe au FC Nantes parce que Jorge Burruchaga, champion du monde en 86 avec l'Argentine, se blesse. Ce qui libère une place parce qu’il n’y avait que 3 étrangers d’autorisés par effectif à l’époque. Burruchaga propose au club de prendre N’Doram plutôt que de le resigner, lui. Pour tous, ce n’était pas facile au début. J’ai vu jouer Karembeu, Loko et ils ne mettaient pas un pied devant l’autre. Le fait de jouer tous ensemble, il y a eu un déclic, permis par beaucoup de travail.
Au niveau du travail, il y a forcément l'importance de Jean-Claude Suaudeau, le mentor…
Pas seulement. Là aussi, c'est collectif. Tous ceux qui ont participé à cette aventure disent bien que ça commence avec Raynald Denoueix au centre de formation. Les deux hommes bossaient main dans la main. Les joueurs apprenaient leurs gammes chez les jeunes et les reproduisaient en pro. Jean-Claude Suaudeau inventait des exercices. A l’entraînement, il y avait des matchs sans ballon, simplement avec des couleurs. Il fallait se déplacer et des mouvements se créaient. L’objectif, c’était de bouger intelligemment sur le terrain en faisant comme s’ils avaient le ballon. Il y a aussi un travail physique énorme en début de saison. Jocelyn Gourvennec, que j’ai rencontré pour le documentaire, se rend compte à son arrivée en 1995-1996 que la préparation est la plus difficile qu’il ait connu. Il a compris pourquoi les joueurs étaient si bons.
« Il y a eu l’importance de Jean-Claude Suaudeau. Mais pas seulement. Tous ceux qui ont participé à cette aventure disent bien que ça commence avec Raynald Denoueix au centre de formation. »
Rien n’a été laissé au hasard, de la formation jusqu’en équipe A, tout a eu de l’importance dans ce titre…
C’est vraiment une continuité. Aujourd’hui, des clubs comme Barcelone font jouer leur U4, U5 ou U6 comme l'équipe première. Le FC Nantes, c'était ça. Des principes de jeu qui étaient appliqués des équipes de jeunes jusqu'au groupe pro. Mais il fallait leur laisser du temps, ce qui n’existe plus dans le foot moderne. Au FC Nantes, ça a fonctionné. C’était d’autant plus rapide que les joueurs avaient été ensemble avant. En 3 ans, ils sont passés d'une jeune équipe lancée dans le grand bain qui n’a jamais joué en Ligue 1 à une équipe qui devient championne de France et qui fait 32 matchs consécutifs sans défaite, record toujours inégalé.
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